Malgré un nombre de cas relativement bas, plusieurs villes chinoises ont instauré des restrictions rigoureuses en lien avec la COVID-19 face à une hausse des infections dans les dernières semaines. De telles restrictions ont été imposées par les autorités à Shenzhen, Dongguan, Changchun, et Shanghai, qui sont toutes d'importantes villes manufacturières.
Il est à noter que Shanghai et Shenzhen abritent le premier et le troisième ports au monde. Bien que les mesures aient été levées dans certaines villes, leurs conséquences se font encore sentir dans les retards de transport et les confinements localisés. À mesure que le nombre de cas augmente à l'échelle du pays, les dirigeants continuent d'instaurer des mesures dans d'autres villes.
Les conséquences des restrictions liées à la COVID-19 sur les ports chinois
Le contre-coup du resserrement des restrictions à Shenzhen et Shanghai va probablement se faire sentir dans les ports durant des semaines, sinon des mois. Shenzhen fait face à la plus longue file d'attente de navires depuis le typhon Kompasu en octobre 2021, et le nombre de navires en attente à Shanghai s'accroit continuellement. Les ports distants devraient aussi être affectés puisque les transporteurs doivent modifier leurs échéanciers pour éviter ces deux ports.
Les autorités de Shenzhen n'ont pas spécifiquement exempté de confinement les travailleurs portuaires, mais les installations portuaires demeurent ouvertes en raison de directives préalables qui ont permis aux travailleurs de vivre et de travailler sur les lieux, en suivant des procédures de test rigoureuses. Néanmoins, la fermeture des entrepôts et les restrictions affectant les chauffeurs de camions dans la ville ont entraîné des retards importants dans ce port déjà très achalandé.
Les autorités de Shenzhen ont imposé des restrictions rigoureuses aux chauffeurs de camions du territoire voisin de Hong Kong, incluant des tests, l'interdiction de ramasser des marchandises dans la ville, et la réduction des postes frontaliers à trois emplacements afin d'éviter des hausses d'infections. Les effets de ces mesures, qui sont toujours en vigueur, sont exacerbés par une pénurie de chauffeurs de camions à Hong Kong en raison du grand nombre de cas positifs à la COVID-19; le secteur tourne actuellement à 30 % de sa capacité.
Suite à des tentatives de contrôle des infections au moyen de confinements localisés et de restrictions des déplacements, les autorités de Shanghai ont instauré le plus grand confinement depuis le début de la pandémie. Les responsables ont ordonné la fermeture des usines et suspendu les transports en commun. Si les chaînes d'approvisionnement ne subissent pas encore les conséquences de ce confinement, celles-ci pourraient s'avérer significatives en raison de l'importance du port de Shanghai de même que ses secteurs manufacturier et financier.
Perturbations dans les voyages et les transports aériens
Les restrictions de déplacement sévères entre les villes en raison de la COVID-19 affectent naturellement les transports aériens de marchandises, et les transporteurs ont réduit la fréquence de leurs vols face à la baisse de la demande. Les autorités ont redirigé les vols de passagers vers d'autres villes; au moins 106 vols sont redirigés jusqu'au 1er mai.
D'autres aéroports, comme celui de Shenyang Taoxian (SHE), ont annoncé l'annulation des vols intérieurs et internationaux dans le respect des directives locales. Bien que ces mesures limitent les capacités de transport de marchandises, les vols cargo sont encore autorisés à opérer.
Les restrictions de personnel au sol compliquent les opérations et le trafic des marchandises entre les aéroports, ce qui vient aggraver les perturbations. Les contraintes opérationnelles les plus importantes concernent l'accès aux services logistiques au sol dans les villes touchées par les restrictions ainsi que la volonté des transporteurs à continuer d'opérer dans ce contexte.
La hausse des cas à Hong Kong a poussé les autorités à suspendre les exemptions de tests et de quarantaine pour les équipages, résultant dans l'annulation de centaines de vols par Cathay Pacific et d'autres compagnies, incluant des vols cargo . Des représentants de 11 transporteurs aériens ont signé une pétition contre les restrictions, qui ne sont pas alignées à celles de la Chine continentale. D'autres transporteurs de marchandises comme Virgin Atlantic ont suspendu leurs opérations jusqu'à l'été.
Conséquences pour la production et la distribution
En plus des complications logistiques, les restrictions liées à la COVID-19 ont affecté la production manufacturière, notamment dans les secteurs de l'électronique et de l'automobile. Foxconn, l'un des principaux manufacturiers électroniques au monde, qui fabrique entre autres le iPhone, a cessé ses opérations durant le confinement à Shenzhen, avant de rétablir une « exploitation normale » le 21 mars. Bien que les opérations aient repris, la production va probablement rester en-deçà de la normale en raison des contraintes logistiques qui persistent.
L'approvisionnement en matières premières et en composants reste problématique, et puisque la majeure partie des produits électroniques du monde provient de Shenzhen, leur distribution va sûrement en souffrir à court et moyen terme. Également, bien que la fabrication de semi-conducteurs se poursuive dans le parc de haute technologie Zhangjiang de Shanghai, les livraisons en provenance des usines sont retardées par les exigences de quarantaine, avec des effets pour les entreprises en aval, et on peut donc s'attendre à une pénurie mondiale de semi-conducteurs à court terme.
Des perturbations ont aussi été rapportées dans l'industrie automobile. Le groupe FAW a cessé la production sur cinq lignes d'assemblages à Changchun suite au confinement de la ville le 11 mars. La fermeture a affecté la production de véhicules de Volkswagen et de Toyota, et la reprise de la production demeure incertaine. BYD Auto, un important fournisseur de batteries et fabricant de véhicules électriques, a aussi subi des contraintes de production.
Perspectives à court terme pour les chaînes d'approvisionnement mondiales
Des perturbations sont à prévoir à court terme dans les chaînes d'approvisionnement chinoises. Les autorités ne semblent pas vouloir modifier leur politique « zéro Covid », et continuent d'imposer des confinements de villes complètes, comme à Shenyang et Jilin la semaine dernière. Si cette politique demeure en vigueur, la congestion des ports va très certainement empirer, entraînant de nouveaux retards, des réductions de capacité, des contraintes pour les usines, et une hausse des coûts d'expédition. Les perturbations persistantes dans les chaînes d'approvisionnement en Chine vont avoir des conséquences au niveau mondial, puisque les retards d'expédition affectent les opérations de tous les ports internationaux.
Bien que le variant Omicron, moins dangereux mais plus transmissible, se répande actuellement dans le pays, les autorités chinoises n'ont toujours pas changé de stratégie et ne renoncent pas à leur politique « zéro Covid ». Cependant, même si leur stratégie venait à changer, les perturbations des chaînes d'approvisionnement dans les ports et aéroports chinois persisteraient tout de même à court terme.
Une fois que les opérations « normales » reprendront pleinement, la demande va probablement augmenter puisque les transporteurs chercheront à réduire les files de conteneurs en attente. Si une décision est prise dans les prochains mois pour lever les restrictions liées à la COVID-19, on peut s'attendre à un bon de la demande pendant la saison d'expédition d'août à octobre, ce qui devrait faire encore monter les prix et réduire les capacités. Bien que la demande mondiale de biens de consommation puisse baisser sous l'effet de la reprise de l'hôtellerie et du tourisme et de la hausse du coût de la vie au niveau international, cela n'aura probablement pas d'effet sur la logistique des chaînes d'approvisionnement avant au moins la fin 2022.
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Auteur(e)(s)
Alex Watt
Analyste du renseignement II
Basé au Royaume-Uni, Alex Watt est un analyste du renseignement spécialisé dans les enjeux des chaînes d'approvisionnement maritimes. Avant d'occuper ce poste, il s'était joint en 2020 à Drum-Cussac...
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