Risques pour la chaîne d'approvisionnement en Afrique du Sud
L'Afrique du Sud dépend en grande partie de son réseau routier pour transporter les biens; cependant, des enjeux socio-économiques d'importance menacent la chaîne d'approvisionnement dans le pays. Plusieurs de ces risques se sont révélés au grand jour à la mi-juillet quand plusieurs routes principales, incluant le corridor de l'autoroute N3 entre le port de Durban, qui reçoit 60 % des conteneurs à destination du pays, et la province la plus importante sur le plan économique, Gauteng, ont été temporairement bloquées par des émeutiers qui ont mis le feu à des véhicules de transport de marchandises. Cela s'est produit lors de troubles dans Mpumalanga, Gauteng et KwaZulu-Natal, au cours desquels des douzaines d'entrepôts et de commerces ont été dévalisés par des criminels et des opportunistes. Des manifestations en réaction à l'arrestation et à l'incarcération de l'ancien président Jacob Zuma ont rapidement escaladé en troubles civils pour des motifs socio-économiques, et donné lieu à des pénuries de plusieurs types de biens. Heureusement, ces incidents n'ont pas duré longtemps et les forces de sécurité ont pu rouvrir le corridor et d'autres routes secondaires après quelques jours. Les chaînes d'approvisionnement ont repris leurs opérations régulières depuis lors.
Le réseau routier sud-africain est le dixième plus étendu dans le monde, et le premier en Afrique. Les ports du pays sont administrés par la société d'État Transnet National Ports Authority (TNPA). Le réseau routier et portuaire est d'une importance vitale pour l'Afrique du Sud et ses voisins incluant le Lesotho, l'Eswatini, le Botswana, la Namibie, le Zimbabwe et le Mozambique. Les troubles du mois de juillet et les futurs épisodes de troubles politiquement motivés sont une considération importante pour les gestionnaires logistiques qui doivent assurer le transport et la livraison sécuritaire des biens et du personnel. Bien que ce risque soit le plus manifeste actuellement, le secteur est exposé à d'autres risques bien connus en lien avec les manifestations, la criminalité et la corruption, qui menacent de causer des perturbations dans la chaîne d'approvisionnment.
Manifestations en lien avec les services publics
Le réseau routier sud-africain, dont les autoroutes nationales « N » sont la partie la plus visible, est régulièrement affecté par des manifestations en lien avec les services publics. Bien qu'elle soit prospère comparativement à ses voisins, l'Afrique du Sud affiche des taux de chômage et de pauvreté parmi les plus élevés du monde, à 34,4 % et environ 50 % respectivement. Le gouvernement cherche à résoudre les enjeux socio-économique, mais ses politiques de soutien à l'économie n'ont pas suffi à répondre aux besoins de sa population en croissance. La pandémie de COVID-19 et les restrictions afférentes ont miné encore davantage l'économie durant les 18 derniers mois. Les campements informels se sont multipliés dans le pays à mesure que les gens cherchent du travail dans les villes. Presque chaque agglomération urbaine d'importance en Afrique du Sud compte un campement informel dans ses alentours. La prestation de services, incluant le logement, l'électricité et l'eau, est un objectif essentiel des gouvernements locaux; cependant, la mise en œuvre de cet objectif a été insuffisante. En conséquence, des troubles éclatent presque chaque jour à travers le pays. Une tactique commune des manifestants est de bloquer les axes principaux et les routes secondaires à l'aide de débris, pour faire pression sur les autorités afin qu'elles répondent aux besoins de la commnauté.
Des manifestations en lien avec les services publics affectent les axes routiers dans l'ensemble du pays; cependant, ce sont les provinces de Gauteng, KwaZulu-Natal et de Cap-Occidental qui ont connu le plus d'incidents de la sorte. Selon des statistiques du ISS Protest and Public Violence Monitoring Project, le nombre de manifestations liées aux services publics a augmenté ces dernières années. Entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021, les autorités en ont dénombré environ 900. Les forces de sécurité se présentent souvent à ces manifestations mais ne procèdent pas à leur dispersion avant la fin des négociations. Celles-ci peuvent se prolonger pendant plusieurs heures et causer d'importantes interruptions du trafic passagers et de marchandises. La réaction des forces de sécurité est souvent la seule mesure prises par les autorités; mais cette posture réactive ne permet pas de résoudre les causes profondes des troubles. Dans bien des cas, les manifestants sont dispersés puis reviennent le lendemain, causant les mêmes perturbations à nouveau.
Criminalité et corruption
La forte criminalité en Afrique du Sud pose des risques à l'industrie du transport de marchandises. Des groupes criminels bien organisés sont présents dans toutes les zones urbaines d'importance. Ils recourent souvent à la violence, particulièrement lors d'attaques contre des camions de marchandises. Le vol et le détournement de camions de marchandises, et le pillage de camions à l'arrêt le long des routes, sont courants dans les provinces sud-africaines de Gauteng, Cap-Oriental, Cap-Occidental, et KwaZulu Natal. Les vols dans des entrepôts sont aussi des phénomènes de longue date et les criminels ont développé des méthodes sophistiquées pour pénétrer dans les bâtiments.
L'Afrique du Sud est également aux prises avec un niveau élevé de corruption, incluant au sein de la police, ce qui donne lieu à des approches créatives pour accéder aux marchandises. L'une d'entre elles, le « gang des lumières bleues », consiste à payer des policiers pour qu'ils contrôlent des véhicules spécifiques dans un lieu peu sécuritaire. Une fois le véhicule stoppé, les policiers quittent les lieux, et les criminels s'en emparent ainsi que des marchandises. Le recours à la violence est fréquent durant ces attaques. La nature hautement lucrative de ces crimes ainsi que la complicité des policiers laissent présager qu'ils vont continuer de se produire à moyen terme. La lutte insuffisante de la police contre la criminalité, les conditions socio-économiques, et le manque de poursuites judiciaires contribuent également à maintenir la fréquence élevée des incidents criminels où la chaîne d'approvisionnement est prise pour cible.
Perspectives
Les risques pour l'industrie du fret ne diminueront probablement pas à moyen terme. Bien que le gouvernement ait déployé de nombreuses forces de sécurité et mis fin aux principaux incidents de perturbations, ceux-ci risquent constamment de se répéter. Les incidents à court terme et à forte pertubation posent un défi à long terme, mais peuvent être gérés; cependant, les coûts des mesures d'atténuation, incluant la flambée des polices d'assurance, vont continuer de peser sur l'industrie. Les périodes prolongées et élargies de troubles civils, comme celle du mois de juillet, alimentent également l'anxiété. Les investisseurs et les dirigeants de l'industrie du fret considèrent d'emprunter de nouveaux itinéraires passant par d'autres ports comme celui de Walvis Bay en Namibie, si la sécurité de la chaîne d'approvisionnement ne s'améliore pas. Cela pourrait avoir un impact important sur les économies nationales et régionales. Les épisodes répétés de pillage et de troubles et leurs conséquences économiques peuvent aussi exacerber les tensions socio-économiques, qui contribuent à leur tour aux niveaux élevés de criminalité.
Mesures d'atténuation des risques
Les gestionnaires de sécurité et les entreprises qui souhaitent protéger leur chaîne d'approvisionnement doivent s'assurer d'identifier tous leurs points vulnérables. Tous les risques doivent être évalués et documentés, des troubles civils d'envergure aux petits vols d'entrepôts.
- Clôtures et barrières adéquates, systèmes d'alarme hors des heures normales, éclairage, contrôle des accès électronique sur site, surveillance vidéo avec lignes de vue claires, et sécurité 24 heures dans tous les sites d'entreposage.
- Tous les systèmes mécaniques doivent être reliés à une alimentation sans interruption en cas de coupures de courant. Il est conseillé de faire appel à des services d'entretien pour tous les systèmes.
- Vérifications rigoureuses avant l'embauche, et formation des employés sur les questions de sécurité.
- Revue régulière/annuelle des mesures de sécurité sur site avec des fournisseurs de confiance.
- Vérifications régulières de la sécurité des trajets de transport, identification des lieux à haut risque et des horaires de déplacement, et considération des risques liés à l'environnement politique et social.
- Sensibilisation à la sécurité et formation à la conduite défensive pour tous les chauffeurs.
- Sécurisation des marchandises et usage des technologies de localisation des véhicules.
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Auteur(e)(s)
Andre Colling
Directeur des opérations de veille | Service mondial du renseignement
Andre Colling dirige l'équipe des opérations de veille de Crisis24. Titulaire d'une maîtrise en criminologie et certifié en tant que professionnel de la protection ASIS (CPP), il apporte près de vingt...
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