Les tensions entre Israël et l'Iran vont probablement perdurer et s'accentuer dans les prochaines semaines. Ces tensions découlent principalement de la reprise des négociations entre Washington et Téhéran en vue de relancer leur accord nucléaire de 2015, que l'ancien président Donald J. Trump avait abandonné en 2018. Israël et ses alliés du Golfe – notamment l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis – sont vigoureusement opposés à la levée des sanctions économiques et à tout rapprochement entre Washington et Téhéran. Les Israéliens, de même que les Saoudiens et les Émiratis, insistent pour que tout nouvel accord qui pourrait voir le jour aborde de façon détaillée les politiques d'affirmation régionale de l'Iran ainsi que son programme de missiles.
Il reste à voir si l'accord nucléaire avec l'Iran peut être relancé. Des échanges visant à rétablir l'entente de 2015 entre les grandes puissances incluant la Chine, la Russie, l'Allemagne et le Royaume-Uni sont en cours à Vienne. Pendant ce temps, Israéliens et Iraniens ont repris leurs attaques au coup pour coup. Dans les dernières années, Israël a non seulement assassiné plusieurs scientifiques et personnalités liés au programme nucléaire iranien, mais aussi lancé des cyberattaques d'envergure pour le retarder. Par exemple, les dirigeants iraniens ont attribué à Israël la cyberattaque du 11 avril contre leur plus importante installation nucléaire à Natanz.
Escalade d'incidents dans les dernières semaines
L'usine d'enrichissement de l'uranium à Natanz a subi de sérieux dommages suite à l'explosion du 11 avril, mais ce n'est que la plus récente installation nucléaire à faire l'objet d'un sabotage. Parmi les autres sites victimes de cyberattaques, on compte celle du port de Shahid Rajaee en mai 2020, une série de feux et explosions inexpliqués dans des installations électriques, industrielles et nucléaires entre juin et juillet 2020, et l'assassinat du physicien nucléaire renommé Mohsen Fakhrizadeh en novembre 2020 à Téhéran.
À la tête de l'organisme chargé de la recherche et de l'innovation au sein du ministère de la Défense, M. Fakhrizadeh a dirigé le projet AMAD de 1987 à 2003. Il s'agissait d'un programme secret visant essentiellement à développer des technologies militaires de pointe, incluant des armes nucléaires. Le projet AMAD a pris fin en 2003 selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), mais M. Fakhrizadeh est resté en poste au ministère de la Défense.
M. Fakhrizadeh a été tué en bonne partie pour son rôle clé au sein du programme nucléaire iranien, qui est selon Téhéran de nature strictement civile. Bien que nul n'ait revendiqué son assassinat, ses commanditaires cherchent vraisemblablement à paralyser le programme nucléaire de l'Iran et à le dissuader de se doter d'armes nucléaires. L'assassinat de M. Fakhrizadeh visait peut-être aussi à décourager d'autres scientifiques éminents de travailler pour le gouvernement iranien. Le gouvernement israélien est soupçonné d'avoir assassiné au moins quatre scientifiques iraniens de premier plan entre 2010 et 2012 pour ralentir le programme nucléaire du pays.
Rivalité entre Israël et l'Iran
La compétition entre Israel et l'Iran s'est changée en rivalité géopolitique grave pour le Moyen-Orient. Israël et ses alliés arabes sunnites ont toujours été opposés à l'Iran et à ses politiques régionales, mais l'animosité entre Téhéran et Tel Aviv s'est dernièrement intensifiée. Israël ne s'en prend plus seulement aux conseillers militaires iraniens et aux combattants soutenus par l'Iran en Syrie ; l'État hébreu a également lancé des attaques aériennes contre des alliés iraniens en Irak. Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a récemment déclaré que l'Iran était le plus grand ennemi de son pays, et qu'Israël comptait le frapper dans toute la région. Les attaques aériennes israéliennes ont sérieusement dégradé les capacités de projection des forces armées iraniennes en Syrie et ont aggravé les enjeux pour le gouvernement syrien car celui-ci n'accueillera probablement pas de bases militaires iraniennes sur son territoire.
Les deux pays ont augmenté la mise et étendu leur rivalité au domaine maritime en s'en prenant aux navires de charge des uns et des autres dans la mer Rouge, la mer d'Arabie, la mer Méditerranée et le golfe d'Oman. Le 26 février, une explosion a ainsi secoué un transporteur de véhicules israélien, le Helios-Ray, dans le golfe d'Oman ; Israël a accusé l'Iran d'en être l'auteur. Les Israéliens se sont vengés le 10 mars quand une explosion a secoué le cargo iranien Shahr-e-Kord dans la mer Méditerranée. Le 25 mars, un missile a frappé le cargo israélien Lori dans la mer d'Arabie. Puis le cargo iranien Saviz a subi des dommages suite à une explosion dans la mer Rouge le 6 avril. Ces attaques vont probablement se répéter, ce qui occasionnera des perturbations dans les transports maritimes et les chaînes d'approvisionnement, et nécessitera des mesures de sécurité accrues.
Ni Israël, ni l'Iran ne souhaitent voir escalader leurs tensions au point d'une guerre directe. Israël va continuer de s'en prendre aux intérêts commerciaux et militaires de l'Iran à travers le Moyen-Orient, et l'Iran effectuera des actions similaires en représaille. Israël va aussi continuer de lancer des cyberattaques d'envergure comme par le passé, pour dégrader les capacités nucléaires iraniennes. En outre, Israël va très certainement intensifier ses attaques à mesure que l'Iran continue d'enrichir de l'uranium. Après l'attaque de Natanz, les responsables iraniens ont déclaré qu'ils allaient commencer à enrichir de l'uranium d'une pureté de 60 %. Une pureté de 90 % est nécessaire à la fabrication de bombes nucléaires.
Implications à court terme
Toute nouvelle escalade débouchera sûrement sur des mesures de sécurité accrues et des perturbations commerciales dans la région. Les attaques au coup pour coup entre Israël et l'Iran devraient se poursuivre. Des attaques sont à prévoir contre des navires de charge dans le golfe d'Oman et d'autres voies navigables d'importance. De plus, Israël va très certainement continuer d'attaquer des cibles militaires iraniennes en Syrie et des milices soutenues par l'Iran en Irak. Cependant, malgré l'aggravation des tensions, la probabilité d'une guerre directe entre Israël et l'Iran reste faible dans un avenir rapproché.