Analyse des risques pour les personnes LGBTQ
L'examen des politiques et facteurs de risque à travers le monde dans les cinq dernière années révèle que les niveaux de risque pour les personnes LGBTQ sont demeurés statiques, bien que certaines menaces localisées aient changé. Si les pays composant une région peuvent être catégorisés dans la même fourchette de risque, on n'observe pas au niveau régional de tendance au développement des droits et de la sécurité des personnes LGBTQ ni d'aggravation des attitudes négatives à leur égard. Par exemple, le niveau de risque pour les personnes LGBTQ dans tous les pays d'Afrique va de modéré à extrême. Les pays d'Afrique du Nord-Est et du Moyen-Orient son t ceux qui posent le plus de risque. L'Amérique centrale et l'Amérique du Sud présentent des risques modérés, et l'Europe conserve sa séparation Est-Ouest, entre des niveaux de risque respectivement élevé et minimal. Cependant, on observe un héritage législatif de l'époque coloniale dans d'anciennes colonies. Des 69 pays qui criminalisent actuellement l'homosexualité, près des deux tiers ont fait partie de l'empire britanique. La portée de l'empire, avec son code criminel plus ou moins unifié, a permis de répandre les attitudes et les lois anti-LGBTQ à travers l'Afrique et l'Asie. De tels restes de l'époque coloniale se retrouvent actuellement dans les lois de Singapour, du Bangladesh et de l'Ouganda. Bien que les attitudes anti-LGBTQ aient été dominantes dans d'autres empires de l'époque (français, portugais, etc.), elles n'ont pas donné lieu à la criminalisation explicite des relations homosexuelles de la même manière que dans l'empire britannique.
Un niveau de risque inchangé ou en hausse dans certains pays
À mesure qu'évoluent les lois et les normes culturelles, des risques élevés à extrêmes continuent de peser sur les personnes LGBTQ dans plusieurs pays. Le Bangladesh présente un environnement extrêmement et de plus en plus risqué pour les personnes LGBTQ malgré sa proximité avec des pays où l'on trouve des niveaux de risque parmi les plus bas d'Asie. Les lois bangladaises héritées du Code pénal indien (CPI) interdisent les « actes contre nature », incluant les relations homosexuelles, sous peine d'emprisonnement à vie. D'autres lois sur le partage d'information, inspirées de l'idéologie islamique, sont employées pour réprimer les personnes qui diffusent des contenus considérés comme contraires aux lois du pays ou aux croyances religieuses largement répandues. Plusieurs organismes indépendants ont indiqué que si l'article 377 du Code pénal bangladais est rarement appliqué, les autorités font régulièrement appel à la prémisse de l'article 377 du Code pénal ainsi qu'à l'article 54 du Code de procédure pénale, qui concernent la suspicion d'activité criminelle, pour intimider et harceler les personnes et groupes LGBTQ. En outre, les auteurs de harcèlement et de violence anti-LGBTQ sont rarement soumis à des conséquences légales. En Europe, les zones d'exclusion LGBTQ de la Pologne font les manchettes depuis 2019. Bien qu'il s'agisse de zones symboliques et idéologiques, les attitudes anti-LGBTQ répandues dans le pays révèlent le progrès inégal des droits et de l'acceptation des personnes LGBTQ parmi les paysages sociaux et politiques contemporains. Il est à noter que la Pologne a décriminalisé l'homosexualité en 1932, des décennies avant la plupart des autres pays d'Europe.
L'évolution du climat politique peut également causer une aggration les lois et attitudes anti-LGBTQ. Les conditions sociales et juridiques en Afghanistan vont très certainement se détériorer substantiellement pour les personnes et la communauté LGBTQ suite à la prise du pouvoir par les talibans au mois d'août. Bien que le gouvernement précédent prévoyait des sanctions légales contre les relations homosexuelles, incluant l'emprisonnement et potentiellement la mort, les autorités ne les appliquaient que rarement.
Une baisse du niveau de risque dans les pays qui ont révisé leurs protections légales
Plusieurs pays de diverses régions affichent une réduction du niveau de risque pour les personnes et la communauté LGBTQ au cours des cinq dernières années. Certains gouvernements ont décriminalisé les relations homosexuelles. L'Inde a attiré l'attention de la communauté internationale dans la dernière décennie autour de l'abrogation de l'article 377 du CPI qui criminalisait les relations homosexuelles. Dans les années 1860, le modèle du CPI s'était répandu parmi les colonies britanniques, plusieurs desquelles conservent encore une version de l'article 377 dans leur code pénal; c'est le cas de Singapour, du Pakistan, de la Malaysie, de Brunei, du Myanmar, du Bangladesh, et du Sri Lanka. Le gouvernement indien a finalement légalisé les relations homosexuelles en 2018. Dans les années suivantes, plusieurs autres pays ont également légalisé ou décriminalisé les relations homosexuelles, dont l'Angola, le Gabon, le Botswana, et le Bhoutan. Le Soudan, qui continue de criminaliser les relations homosexuelles, a retiré la peine de mort des sanctions possibles en juillet 2020.
Plusieurs pays ont également mis en place des protections légales pour les personnes LGBTQ. Les révisions législatives effectuées en 2021 par l'Angola incluent des protections contre la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. L'Argentine, un chef de file des droits LGBTQ, a voté cette année une loi imposant un quota de 1% de travailleurs transgenres dans le secteur public. En 2019, l'Inde a voté une loi protégeant les droits des personnes transgenres; son cas est unique en ce qu'elle confère davantage de protections officielles aux personnes transgenres qu'au reste de la communauté LGBTQ, en raison de la présence historique de la communauté Hijra qui remonte à la période pré-coloniale. Mais au niveau mondial, l'inverse est généralement vrai pour les personnes transgenres en matière de protections officielles et de reconnaissance juridique par rapport aux personnes LGTBQ cisgenres.
L'importance de comprendre les risques pour les personnes LGBTQ dans le contexte du devoir de précaution
Des risques globalement stables n'indiquent pas forcément un environnement de sécurité totalement statique. En effet, quand un pays modifie ses lois, son environnement social peut soit s'empirer, soit demeurer inchangé. À l'inverse, un changement dans les attitudes sociales peut donner lieu à des révisions législatives en faveur de politiques pro- ou anti-LGBTQ. Par conséquent, même si le niveau de risque général change rarement à l'échelle d'un pays ou d'une région, il est prudent pour les gestionnaires de la sécurité et des voyages de se renseigner sur les risques posés à la communauté LGBTQ dans différentes localités, et de rester conscients que ces risques spécifiques sont appelés à évoluer.
L'Observatoire du renseignement de sécurité LGBTQ (PRISM) de Crisis24 tient une veille sur les attitudes, événements et enjeux de par le monde qui pourrait affecter la sûreté des personnes LGBTQ. Informez-vous sur l'abonnement à PRISM et obtenez un échantillon de rapport.
Auteur(e)(s)
Danielle Ellam
Intelligence Analyst I
Danielle is a South Africa-based intelligence analyst within the Embedded Intelligence Services department. She is responsible for providing real-time threat monitoring and analysis to a multinational...
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