Les forces de sécurité pakistanaises surveillent les déplacements à la frontière avec l'Afghanistan.
Vingt ans après les attentats dévastateurs du 11 septembre et la campagne militaire menée par les Américains qui avait renversé le premier gouvernement taliban, leur retour au pouvoir en Afghanistan définit désormais l'évolution de la menace du terrorisme dans le pays. Une fois pris le pouvoir central, les talibans ont changé de rôle. Ils ont aussitôt cessé d'être les principaux auteurs d'attentats dans le pays pour devenir la première ligne de sécurité de facto contre les attentats.
Dans l'entente bilatérale conclue avec Washington en 2020, qui a conduit au retrait de Américains de l'Afghanistan, les talibans ont accepté de rompre leurs liens avec les groupes terroristes transfrontaliers et de les empêcher de menacer d'autres pays à partir du territoire afghan. Si la sincérité de cet engagement fait l'objet de débats, la direction des talibans a un intérêt évident à sécuriser sa position en évitant les tensions avec les puissances étrangères et en réprimant leurs rivaux au sein du pays. Cependant, de tous les gouvernements afghans depuis la fin des années 1970, aucun n'a été en mesure de contrôler efficacement le territoire national, et si l'administration talibane fait face à des défis semblables, elle sera sans doute incapable d'empêcher les groupes militants d'utiliser son territoire comme base pour commettre des attentats sur des cibles étrangères.
Les rivaux intérieurs
L'État islamique de la province de Khorasan (IS-K) est de loin le plus dangereux des rivaux des talibans. Bien que l'IS-K et les talibans soient tous deux des mouvements fondamentalistes islamistes, les talibans ont aussi un côté nationaliste et cherchent à gouverner l'Afghanistan selon leur interprétation de la doctrine islamique. L'IS-K, de son côté, est un mouvement transnational qui vise à dissoudre les frontières existentes et à unir les musulmans du monde entier sous son autorité.
L'IS-K et les talibans se combattent depuis 2015, et leur antagonisme violent va très certainement perdurer. Les militants de l'IS-K vont tenter de commettre des attentats-suicides à la bombe ainsi que des fusillades et des attaques à la roquette contre les combattants talibans, les ressortissants étrangers, et les minorités religieuses d'Afghanistan. L'attentat hautement meurtrier de l'IS-K à l'aéroport de Kaboul, le 26 août, a souligné la menace soutenue que présente ce mouvement en Afghanistan.
Les 1500 à 2000 combattants estimés de l'IS-K en Afghanistan vont chercher à gagner du soutien et recruter des membres en accusant l'administration talibane de laxisme et d'hypocrisie. Le succès de tels efforts dépendra en grande partie de la capacité des talibans à concilier des intérêts divergents et à gouverner efficacement l'Afghanistan.
La méfiance du militantisme en Asie centrale
Les voisins de l'Afghanistan en Asie centrale, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Turkménistan, sont inquiets de la propagation du militantisme au travers de leurs frontières, et ont renforcé leur coopération avec la Russie à titre de précaution. Les dirigeants talibans ont tenté d'assurer ces États et Moscou de leurs intentions pacifiques et coopératives.
Néanmoins, les talibans ont des liens historiques avec les militants qui ont combattu dans la guerre civile du Tadjikistan de 1992 à 1997. Même si les hauts dirigeants talibans ne souhaitent pas contrarier la Russie et ses anciens partenaires soviétiques, certains commandants talibans sont probablement des sympathisants des militants islamistes d'Asie centrale. L'IS-K pourrait également tenter de lancer des attaques et de recueillir du soutien dans la région.
Les menaces transfrontalières pour le Pakistan
Les autorités pakistanaises s'inquiètent elles aussi de menaces potentielles des militants d'Afghanistan. En plus de l'IS-K, le Pakistan est aux prises avec le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) et les groupes séparatistes d'ethnie baloutche, notamment le Balochistan Liberation Army (BLA). Le TTP se distingue des talibans afghans sur le plan organisationnel. Contrairement à eux, le TTP ne reconnaît pas la frontière afghano-pakistanaise et, au lieu d'entretenir des liens discrets avec les services de renseignement pakistanais, le TTP s'oppose ouvertement au gouvernement.
Cependant, les distinctions entre talibans afghans et TTP sont moins claires dans les régions à majorité pachtoune le long de la frontière pakistanaise; beaucoup d'individus et de commandants ont combattu au sein des deux groupes à diverses occasions. Le TTP pourrait tenter d'accroître la fréquence de ses attaques sur les forces de sécurité pakistanaises dans la province de Khyber Pakhtunkhwa et ses environs suite à la victoire des talibans en Afghanistan.
Pendant ce temps, les dirigeants pakistanais considèrent vraisemblablement que la prise de l'Afghanistan par les talibans vient réduire la menace de militantisme dans sa province occidentale du Baloutchistan. Le gouvernement pakistanais accusait fréquemment les services de renseignement afghans d'utiliser leur territoire pour offrir un refuge et du soutien aux séparatistes baloutches qui combattent au Baloutchistan – un soutien visant à contrer les liens d'Islamabad avec les talibans afghans et les militants du Kashmiri.
Contrairement au régime précédent de l'Afghanistan, qui entretenait des relations amicales avec l'Inde et des tensions vives avec Islamabad, les talibans n'ont aucune raison apparente de soutenir le séparatisme baloutche. Cependant, un certain niveau d'activité militante va probablement persister dans la province du Baloutchistan, incluant des fusillades et des attaques à la bombe contre les forces de sécurité pakistanaises et les projets de développements soutenues par la Chine.
Perspectives pour le militantisme dans la région
Les intentions, la cohésion et les capacités des talibans vont largement déterminer la portée et la nature de la menace terroriste afghane sur son territoire et à l'étranger. La direction du groupe souhaite probablement éviter de contrarier les pays voisins et les puissances étrangères en soutenant ouvertement des militants internationaux.
Cependant, certains commandants talibans continuent probablement de sympathiser avec les mouvements islamistes étrangers, et sont susceptibles de leur offrir une forme de soutien tactique. Au sein de l'Afghanistan, de nouveaux attentats de l'IS-K sont à prévoir à court terme. À long terme, les talibans doivent s'assurer d'avoir une sécurité adéquate, un gouvernement compétent, et un niveau d'activité économique suffisant pour réduire la menace du militantisme tant intérieur qu'international.
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