Le réseau électrique sud-africain va sans doute subir davantage d'interruptions à court préavis incluant d'importantes coupures pendant l'année 2022 pendant que les responsables de la société d'État Eskom poursuivent l'entretien et la mise à niveau des infrastructures et recherchent des capacités de production additionnelles. L'Afrique du Sud dépend presque entièrement du charbon pour sa production d'électricité, et la moitié de ses centrales approchent de leur fin de vie utile, ce qui les rend sujettes à des pannes.
Fin octobre et début novembre, l'Afrique du Sud a subi un autre épisode de délestage électrique dû à des insuffisances de production, une hausse de la demande, et des bris dans les unités de centrale. Les dirigeants d'Eskom ont récemment applaudi la décision par plusieurs États occidentaux de financer la transition de la société vers des sources d'énergie renouvelable; cependant, la durée des projets s'étale de 10 à 15 ans, et bien qu'un groupe initial de sources d'énergie renouvelable ont été identifiées, elles n'ajouteront probablement pas beaucoup de capacité au réseau dans les 36 mois à venir. Une fois en activité, elles devraient produire 2600 megawatts (MW); Eskom a cependant besoin de 4000 à 6000 MW additionnels avant de pouvoir réduire les risques de délestage.
La performance d'Eskom demeure critique pour la croissance de l'économie sud-africaine. Sans capacité de production additionnelle, de nouvelles industries ne peuvent se développer, et la croissance qui est essentielle pour vaincre le chômage et la pauvreté va demeurer stagnante ou poursuivre son déclin. Ces facteurs se répercutent sur des enjeux socio-économiques comme la criminalité et les troubles civils. La stabilisation du réseau et l'accroissement de la capacité nécessaire à atteindre les cibles économiques va probablement prendre plusieurs années. La majeure partie des années 2020 y sera consacrée.
Le passé trouble d'Eskom
Les responsables d'Eskom et du gouvernement ont fait des demandes de ressources additionnelles dès le début des années 1990 afin d'élargir leur capacité de production électrique en vue de la demande future. L'enjeu a pris de l'importance au début des années 2000 alors que l'économie faisait des avancées remarquables. Les demandes ont été ignorées, et des pannes de courant substantielles dues aux insuffisances de production ont commencé à survenir à la fin 2007, début 2008. Le président Thabo Mbeki, du parti Congrès national africain (CNA), s'était alors excusé d'avoir tardé à répondre aux demandes, et de nouveaux projets de grandes centrales ont été budgétés pour doubler la capacité de production avant 2015 à un coût de 200 milliards ZAR.
Les deux principaux projets étaient les centrales au charbon de Medupi et Kusile. Leur entrée en service était prévue dans la moitié des années 2010 mais leur construction s'est heurtée à d'importants délais et dépassements de coûts. En 2021, seule la centrale de Medupi a été complétée, et celle de Kusile n'est encore qu'à moitié construite. Les dépassements de coûts sont venus empirer la situation financière d'Ekom, qui affiche une dette d'environ 400 milliards ZAR.
Les erreurs de gestion passées d'Eskom se sont ajoutées aux difficultés de l'entreprise. Influencé par les intrigues politiques et la corruption, le conseil d'administration d'Eskom pris plusieurs formes au fil des ans. Avec onze PDG depuis 2007, le plus récent étant entré en fonction début 2020, l'entreprise n'a pratiquement pas de direction solide et décisive. Les membres du conseil proviennent largement du monde des affaires avec peu d'expertise dans le secteur de l'énergie.
La corruption présente au sein d'Eskom a compliqué les choses tout au long des années 2010. Elle s'est particulièrement révélée lors de la Commission Zondo sur la corruption d'État, en place depuis 2018. Cette commission mise sur pied pour lever le voile sur les pillages de l'économie sud-africaine par les personnes politiquement connectées a mis au jour plusieurs irrégularités dans les contrats d'approvisionnement, particulièrement en charbon, et impliqué plusieurs membres du conseil dans des actes de corruption, incluant la désormais tristement célèbre famille Gupta. Eskom a également rapporté des centaines de millions de rands en dépenses irrégulières.
Une nouvelle direction
À la fin 2018, le président Cyril Ramaphosa a pris la place du président Jacob Zuma (2009-2018) et a cherché à remettre à flot l'entreprise fragilisée. L'une des premières mesures fût de nommer le PDG Andre De Ruyter et de scinder l'entreprise en entités distinctes afin que la reprise soit mieux gérée. La scission correspond aussi aux meilleures pratiques internationales, où chaque division se concentre sur des propres revenus et dépenses, pour une efficacité accrue. En date de novembre 2021, les conseils ont été créés mais la séparation légale devrait prendre encore 12 mois pour être complétée.
Outre le PDG André de Ruyter, un nouveau conseil d'administration réunit des individus compétents dont beaucoup ont de l'expérience en lien avec Eskom, notamment le chef des opérations Jan Oberholzer qui a été reconduit en 2018 après 25 ans de service à Eskom. La nouvelle équipe de direction, dont seuls quelques membres étaient présents durant les années au pouvoir du président Zuma, a tenté de régler les problèmes d'Eskom avec davantage de transparence et un engagement à éliminer les inefficiences. L'exposé de l'état des systèmes diffusé le 25 octobre illustre bien la nouvelle approche.
M. de Ruyter a effectué des changements dans la direction de plusieurs centrales et a cherché à récupérer les fonds excédentaires déboursés par les administrations précédentes. Des poursuites au civil sont en cours, ainsi que des efforts pour identifier et retirer les responsables corrompus dans l'entreprise. Eskom a aussi signalé une pénurie de compétences. M. de Ruyter a admis récemment que la négligence de la part du personnel était en cause dans le délestage d'octobre 2021; il a attribué cela à une culture héritée des années de captation des fonds de l'État sous l'ancien président Jacob Zuma. L'embauche de personnel qualifié et le développement professionnel des employés demeurent des objectifs clés.
Enjeux additionnels
Syndicats
Les syndicats représentant les employés d'Eskom se sont précédemment opposés aux intentions du gouvernement de scinder l'entreprise, et ont régulièrement manifestés pour de plus hauts salaires. Les syndicats sont inquiets des réformes en raison des pertes d'emploi qu'elles pourraient occasionner. Peu d'emplois ont été perdus depuis la nomination de M. de Ruyter, mais les revendications salariales pourraient mener à des grèves à court terme.
Précipitations sur les mines de charbon
Le charbon est la principale source d'énergie d'Eskom, et en période de pluies intenses, les stocks perdent en fiabilité. Les réserves de charbon d'Eskom se trouvent principalement dans le nord du pays, qui connait une saison des pluies estivale (novembre à mars). Le charbon humide est plus difficile à traiter. Eskom a indiqué qu'elle avait des stocks pour plusieurs semaines.
Centrales sous pression et turbines à gaz
Les centrales vieillissantes d'Eskom vont probablement connaitre de nouvelles pannes. Eskom a fait appel à des turbines à gaz à cycle ouvert pour obtenir une capacité supplémentaire durant les pannes. Mais elles coûtent cher en raison de leur forte consommation en diesel. De plus, elles ne sont pas conçues pour un usage continu et peuvent elles-mêmes tomber en panne.
Les clients d'Eskom
Les entreprises sud-africaines sont conscientes de ces défis et la plupart ont déjà incorporé les pannes d'électricité à leurs plans d'urgence. Les génératrices au diesel et les systèmes d'alimentation sans interruption (UPS) sont répandus dans les entreprises moyennes à grandes. Les entreprises de tous types investissent de plus en plus dans des sources d'électricité hors-réseau comme les systèmes photovoltaïques. Les voyageurs d'expérience sont conscients de ces risques et ont investi dans des lampes à énergie solaire, des batteries d'appoint pour appareils mobiles, et des applications qui les préviennent des coupures. C'est un enjeu qui est devenu « normal » au fil des ans.
Pour les entreprises et les voyageurs qui cherchent à investir/voyager en Afrique du Sud, plusieurs considérations essentielles doivent être prises en compte. Les clients de Crisis24 peuvent nous contacter directement pour en savoir plus.
Entreprises
- Établissez ou révisez votre plan pour la continuité des affaires en ce qui a trait aux coupures d'électricité.
- Identifiez les fonctions d'affaires critiques qui nécessitent une alimentation électrique.
- Investissez dans des génératrices et, le cas échéant, des systèmes d'alimentation sans interruption pour permettre une continuité homogène des opérations.
Voyageurs
- Chargez régulièrement vos portables, tablettes, téléphones et autres appareils essentiels au travail.
- Investissez dans une source d'électricité de secours, et chargez cet appareil régulièrement.
- Téléchargez les applications qui vous avertissent des coupures d'électricité planifiées et non planifiées et suivez les annonces d'Eskom sur https://twitter.com/Eskom_SA.
- Planifiez les perturbations et les retards dûs à la congestion du trafic en période de délestage.
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Auteur(e)(s)
Andre Colling
Directeur des opérations de veille | Service mondial du renseignement
Andre Colling dirige l'équipe des opérations de veille de Crisis24. Titulaire d'une maîtrise en criminologie et certifié en tant que professionnel de la protection ASIS (CPP), il apporte près de vingt...
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