Un tsunami à Sulawesi m’a exposé à l’une des pires scènes de dévastation de ma carrière. Il m’a aussi offert d’inoubliables démonstrations de générosité humaine.
Faits saillants:
- Raconté par : Philippe Duffour, Vice président de Crisis24
- Expertise : Risques liés aux personnes
- Lieu : Indonésie
- Mandat : Évaluation des dommages d’un tsunami
- Solution : Déploiement d’experts et de personnel médical
- Résultat : Réduction du risque de blessures ou décès additionnels
Le 28 septembre 2018 peu après la tombée de la nuit, un tremblement de terre de magnitude 7.5 s’est produit au centre de l’île de Sulawesi en Indonésie. Le tsunami qui s’est ensuivi a pris de la force à mesure qu’il s’engouffrait dans la longue et mince baie qui mène à la ville de Palu. Des vagues de deux à cinq mètres ont frappé la plage de plein fouet et immédiatement emporté des centaines de personnes, dont beaucoup s’étaient réunies pour un festival sur le sable ce soir-là. En quelques minutes à peine, Palu basculait dans le cauchemar, ses rues couvertes de débris et jonchées de corps sans vie.
Au total, 4 340 victimes allaient être attribuées au tsunami, et plus de 10 000 blessés dont beaucoup graves (les nombres véritables sont sûrement plus élevés). Plus de 70 000 demeures furent perdues en raison d’une importante liquéfaction des sols. La reconstruction allait prendre des années, sans parler de l’immense deuil de la population.
Évaluer, examiner, secourir
Dans l’immédiat, on ne savait encore rien de tout cela. Mises à part quelques dépêches, l’information circulait mal car les communications avaient été coupées dans presque toute la région. L’un de nos clients, sans nouvelles de ses installations en bord de mer à Palu, nous a donc demandé le soir-même de nous rendre sur place. Notre mission : évaluer les dégâts de nos propres yeux, examiner l’état de santé des employés, et leur porter secours au besoin.
Le lendemain, je me rendais jusqu’à l’île de Bornéo via Jakarta en compagnie d’un médecin d’Europ Assistance. L’aéroport de Palu était hors d’usage, avec un tarmac fendu sur des centaines de mètres. Nous avons pu terminer notre voyage grâce à l’appui de notre client sur place. Quelques heures plus tard, nous arrivions au cœur de la détresse.
Douze employés ont rapidement été identifiés, mais six manquaient à l’appel suite à l’effondrement d’une partie d’un bâtiment. On craignait le pire, pour leur sort mais aussi pour le nôtre. En effet, la nourriture venait à manquer en ville où les pilleurs étaient déjà à l’œuvre. Seuls les téléphones par satellite fonctionnaient. Nul ne semblait contrôler la situation. Partout, des images cauchemardesques difficiles à oublier.
Notre médecin est reparti rapidement avec six employés sur un vol vers Jakarta. Je suis resté pour assurer la sécurité des six autres qui ne perdaient pas espoir de retrouver leurs collègues et amis. Au fil des prochains jours nous allions partager des moments d’une humanité douloureuse mais profonde.
Qui donne un œuf
Ensemble, en attendant l’arrivée des secours, nous avons passé les ruines du bâtiment au peigne fin pendant de longues journées, sous la chaleur accablante. La nuit, nous dormions par terre dans des points de secours situés en hauteur en cas de répliques du tsunami. Nous avons relevé et identifié plusieurs corps. D’autres n’ont jamais été retrouvés, comme des centaines de disparus à Palu ce jour-là.
Malgré mon expérience des zones sinistrées, j’ai été marqué par l’extrême dévastation de Palu dans ces jours terribles. Une bonne partie de la population n’avait plus rien, ni biens ni proches pour certains, nulle part où aller, et à peine de quoi manger et s’hydrater. Tous les jours nous devions chercher à nous assurer un peu de riz et quelques légumes. Et pourtant, ces gens parfaitement démunis, qui venaient de tout perdre, ont fait preuve à mon égard d’une générosité sans bornes. Quand par chance un œuf a été déniché, c’est à moi que les employés de notre client l’ont réservé, sans doute pour me remercier d’être parmi eux et de partager leur quotidien et leur souffrance.
J’ai quitté Palu de façon aussi étrange que je l’avais rejointe. L’armée indonésienne m’a convoqué à l’aéroport où j’ai attendu des heures sur le tarmac avant qu’un soldat me pointe un avion prêt à décoller. J’ai couru jusqu’au pilote pour lui demander où il allait. Makassar, au Sud de l’île. Ce fut le début d’un long retour, suite auquel mon esprit n’allait jamais vraiment quitter Palu. Aujourd’hui encore, je corresponds avec les êtres formidables que j’ai rencontrés là-bas. Après avoir partagé leurs pires moments, chaque nouvelle positive de leur part est un vrai bonheur. Malgré les blessures, la vie continue.
Notre expertise repose sur plus de 30 ans d’expérience sur le terrain et sur un réseau mondial de spécialistes en risque lié aux personnes, aux organisations, aux actifs et au cyberespace. Nous appliquons la méthodologie de la Gestion Intégrée du Risque pour recueillir des renseignements vitaux et passer rapidement de la planification à la réaction, 24 heures/jour, 365 jours/an.