Élections européennes de 2024
Les récents résultats des élections du Parlement européen, qui se sont tenues du 6 au 9 juin, auront un impact significatif sur le paysage politique européen. La montée de la droite, tant annoncée, n'a pas eu d'impact majeur sur le nombre total de sièges au Parlement européen, mais elle a eu un effet plus important que prévu sur les gouvernements nationaux. Les résultats des élections ont provoqué des bouleversements politiques immédiats en France et une grande consternation en Allemagne et dans d'autres pays. Ces résultats pourraient conduire à une intensification des troubles civils dans de nombreux pays.
Nouveau Parlement européen
Lors des élections européennes qui se sont tenues la semaine dernière, les partis d'extrême droite ont fait la une des journaux en réalisant des progrès significatifs dans toute la région. Toutefois, à première vue, il semble que la coalition actuelle conserve la majorité au Parlement européen malgré les gains réalisés par l'extrême droite. Sur les 720 sièges, le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit est le groupe le plus important, suivi par les Socialistes et Démocrates et les groupes centristes du Renouveau européen. Le bloc conservateur et eurosceptique des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) et le bloc d'extrême droite Identité et Démocratie (ID) n'ont obtenu ensemble que 13 sièges, ce qui est moins que prévu. Toutefois, certains des partis nationaux qui composent ces groupes d'extrême droite ont réalisé des gains significatifs dans leur propre pays. Les Verts n'ont pas été en mesure de réitérer leur "vague verte" de 2019, perdant 18 sièges au Parlement européen.
Impacts nationaux
Au niveau national, les élections ont eu un impact significatif sur l'équilibre politique en France, en Allemagne et en Italie. Les votes pourraient également affecter les gouvernements, dans une moindre mesure, en Autriche, en Belgique, en Hongrie et en Pologne.
En France, le parti du Rassemblement national a recueilli plus de deux fois plus de voix que le parti Renaissance du président Emmanuel Macron. À la surprise générale, le président a dissous l'Assemblée nationale et convoqué des élections anticipées pour le 30 juin et le 7 juillet. Il s'agit d'une stratégie à haut risque : les élections nationales pourraient entraîner des gains encore plus importants pour le Rassemblement national, ce qui conduirait probablement à une "cohabitation" entre le président centriste et un premier ministre d'extrême-droite. Par ailleurs, le président pourrait galvaniser une coalition de centre-gauche, centriste et de centre-droit pour rejeter l'avancée de l'extrême-droite. La stratégie à haut risque de M. Macron provoquera très certainement des manifestations, des grèves et d'autres problèmes de sécurité à l'approche des Jeux olympiques de Paris 2024, qui débuteront le 26 juillet.
La Belgique a organisé ses élections générales le même jour que le scrutin européen. L'Alliance néo-flamande (N-VA), parti de droite, a battu le parti sortant, les Libéraux et Démocrates flamands ouverts. En Wallonie, le Parti socialiste, bien implanté, a été battu par le Mouvement réformiste (MR), centriste. Le premier ministre a démissionné, comme le veut la coutume, mais il restera en poste jusqu'à ce que les pourparlers de coalition soient terminés. Ces événements ont donné lieu à d'importantes manifestations d'étudiants et d'associations de gauche ces derniers jours.
En Allemagne, la coalition de partis minoritaires du chancelier Olaf Scholz devance légèrement l'alliance CDU/CSU de centre-droit, avec environ 30 % chacun. Cependant, les progrès réalisés par le parti d'extrême droite Alternative fur Deutschland (AfD) lui ont permis d'atteindre 15 %, devant le parti social-démocrate (SPD) de M. Scholz (14 %). Ce résultat fragilise la coalition au pouvoir au niveau national et pose des problèmes de gouvernance pour l'avenir.
Le premier ministre italien, Georgia Meloni, est l'un des principaux bénéficiaires des élections. Mme Meloni est la seule dirigeante des grands pays de l'UE à voir son soutien augmenter. Ce résultat a consolidé la position de ses Fratelli d'Italia (Frères d'Italie) au niveau national et elle augmentera probablement son influence personnelle, en particulier sur la politique énergétique et industrielle au niveau européen.
Les élections ont également eu un impact sur de nombreux autres pays. En Autriche, le Parti de la liberté (FPO), parti d'extrême droite, a obtenu le plus grand nombre de voix, et c'est la première fois que ce parti arrive en tête des sondages. Ce résultat aura très certainement une incidence sur la préparation des élections nationales qui se tiendront à la fin du mois de septembre. En Pologne, la coalition centriste de Donald Tusk a obtenu la majorité des voix, mais la courte deuxième place du parti Droit et Justice (PiS) souligne la popularité persistante du parti populiste malgré une série de scandales. En Hongrie, Viktor Orban et le parti Fidesz ont obtenu leur plus mauvais résultat dans une élection européenne, suite à une forte contestation de l'ancien initié devenu opposant Peter Magyar. Ces élections ont lieu quelques semaines avant que le pays n'assume la présidence tournante de l'UE pour six mois en juillet.
Implications pour l'UE
L'équilibre général des pouvoirs au sein du Parlement européen reste ostensiblement similaire à la session de 2019. Toutefois, l'influence accrue des partis d'extrême droite en Autriche, en France, en Allemagne et en Italie exacerbera les tensions existantes. Le cordon sanitaire (pratique selon laquelle les partis traditionnels évitent de s'aligner politiquement sur l'extrême droite) devrait se maintenir, mais il est ténu, car les frontières entre l'extrême droite et le centre-droit, et entre l'extrême droite et l'extrême droite, deviennent de plus en plus floues. Au Parlement européen, cela se manifestera dans les relations entre les blocs PPE, ECR et ID, ainsi que dans la sélection du prochain président de la Commission européenne. Un élément clé sera l'équilibre entre les dirigeants les plus favorables à l'OTAN, tels que Meloni, et l'influence plus sceptique d'Orban et du premier ministre slovaque Robert Fico. Cela influencera à son tour le soutien actuel de l'UE à l'Ukraine.
Implications en matière de sécurité
Ces derniers jours, les retombées des élections européennes ont provoqué des émeutes de gauche à Paris et des manifestations à Bruxelles. Les prochaines élections en France et en Autriche devraient donner lieu à d'importants rassemblements politiques de la part des partis en place et de l'opposition. Les rassemblements politiques d'extrême droite sont souvent suivis de contre-manifestations, ce qui accroît le risque de violence et d'émeutes. Les autorités déploieront probablement d'importantes mesures de sécurité supplémentaires lors de ces manifestations. La France est particulièrement exposée aux grèves et aux manifestations, ce qui pourrait avoir une incidence sur les préparatifs des Jeux olympiques.
Le renforcement des groupes conservateurs du Parlement européen et la possibilité d'un programme législatif eurosceptique de plus en plus marqué par l'extrême droite pourraient conduire à une mobilisation populaire importante. Les groupes de défense de l'environnement se mobiliseront probablement pour protester contre toute tentative d'affaiblir les réglementations sur le climat dans l'UE. Inversement, les groupes d'agriculteurs continueront probablement à protester dans toute la région, à la fois contre le renforcement de la législation environnementale et contre les accords commerciaux avec l'Ukraine sur les importations agricoles.
Auteur(e)(s)
Vijey Ganesh
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