L'instabilité politique et économique, ainsi que la violence des gangs, risquent de s'aggraver dans les mois à venir en Haïti, malgré les efforts continus du gouvernement haïtien et l'assistance de la Mission multinationale d'appui à la sécurité (MSS). Le 10 novembre, le Conseil présidentiel de transition (CPT), formé pour établir un cadre pour des élections démocratiques en 2026, a démis de ses fonctions le Premier ministre intérimaire Gary Conille et a annoncé qu'Alix Didier Fils-Aimé lui succédait. Cette décision risque d'éroder encore davantage la confiance du public dans la capacité des institutions nationales à fonctionner.
Malgré la présence des forces de sécurité et des forces internationales en Haïti, la violence continue de s'intensifier, les groupes criminels s'adaptant en ciblant les infrastructures critiques. En outre, le mécontentement croissant de la population et les perturbations des chaînes d'approvisionnement causées par les annulations intermittentes de vols et les fermetures de ports contribuent à l'aggravation de la situation. La violence, les troubles, les perturbations des transports et des affaires vont probablement s'aggraver à moyen terme.
En bref : Principaux enseignements
- L'instabilité politique et économique devrait s'aggraver en Haïti dans les mois à venir, suite au limogeage le 10 novembre du Premier ministre intérimaire Gary Conille et à la nomination d'Alix Didier Fils-Aimé.
- La violence des gangs continue également de s'intensifier, les groupes criminels s'attaquant aux infrastructures essentielles, ce qui entraîne des annulations de vols et des fermetures de ports.
- Le mécontentement de la population s'accroît avec l'aggravation des pénuries de biens essentiels ; la violence, les troubles et les perturbations des transports et des activités économiques vont probablement s'aggraver à moyen terme.
Le limogeage du premier ministre Conille provoque des troubles politiques et des agitations publiques
La décision du CPT de remplacer Conille a été controversée et est intervenue dans le cadre d'une lutte de pouvoir entre Conille et le CPT ; Conille a préconisé le renvoi de trois membres du CPT qui avaient récemment été mêlés à un scandale de corruption. Lorsque le CPT a annoncé que Conille serait démis de ses fonctions, de nombreuses parties prenantes et Conille lui-même ont affirmé que ce renvoi était illégal et que le CPT n'était pas habilité à le démettre de ses fonctions. Bien que M. Conille ait juré qu'il ne démissionnerait pas, M. Fils-Aime a nommé son nouveau cabinet le 16 novembre, ce qui pourrait exacerber les tensions politiques.
Le limogeage de M. Conille intervient dans un contexte de troubles politiques persistants en Haïti, le pays n'ayant pas organisé d'élections depuis 2016. La nature controversée de la destitution de M. Conille, ainsi que son refus de démissionner, sont susceptibles d'alimenter de nouveaux troubles. Les citoyens ont fréquemment organisé des manifestations en réponse à l'aggravation de la crise. Lors d'une manifestation notable à Port-au-Prince en août, les manifestants ont brûlé des pneus en demandant aux autorités d'agir contre l'escalade de la violence des gangs qui sévit dans le pays. La police a dispersé la manifestation à l'aide de gaz lacrymogènes. D'autres troubles civils et affrontements avec les autorités sont très probables à mesure que les tensions s'intensifient.
L'escalade de la violence aggrave la crise en Haïti
Peu après le renvoi de Conille, Jimmy « Barbeque » Cherizier, chef de la coalition de gangs Viv Ansanm, a déclaré qu'il allait relancer sa campagne violente contre le gouvernement et a déconseillé aux civils de sortir. Bien que l'unité MSS, dirigée par le Kenya et principalement financée par les États-Unis, ait tenté de soutenir les forces de sécurité haïtiennes, les organisations criminelles ont continué à opérer sans relâche. Les affrontements se poursuivent dans la capitale, où les gangs contrôlent encore au moins 80 % de la ville. À la mi-novembre, la violence des gangs a déplacé plus de 20 000 habitants de Port-au-Prince en seulement quatre jours, et les autorités américaines ont interdit aux compagnies aériennes américaines d'opérer en Haïti après que deux avions ont été touchés par des coups de feu. Ce n'est pas la première fois que la violence des gangs a un impact sur les infrastructures essentielles. À la mi-septembre, Caribbean Port Services (CPS) a brièvement fermé l'accès terrestre au principal port de Port-au-Prince après que des gangs ont pillé des cargaisons et kidnappé des marins.
Les difficultés économiques persistent dans un contexte d'incertitude politique
Les Nations unies ont également interrompu leurs vols vers Haïti, ce qui a encore limité l'acheminement de l'aide humanitaire. Ces perturbations, associées au contrôle des grands axes routiers par des gangs, ont gravement affecté les lignes d'approvisionnement, entraînant des pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments, entre autres produits de première nécessité. Avec les perturbations de l'activité commerciale et des investissements étrangers en 2024, l'économie haïtienne s'est contractée pour la sixième année consécutive d'environ 4,2 %, tandis que l'inflation est restée élevée à près de 30 %. Avec la persistance de la crise, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement vont probablement s'aggraver.
L'avenir incertain du MSS complique encore la situation. Une nouvelle administration présidentielle américaine entrera en fonction en janvier, mais elle n'a pas encore clarifié sa position sur le financement du MSS. Le CPT a exprimé le souhait que la MSS devienne une mission de maintien de la paix des Nations unies à part entière. Toutefois, si les États-Unis réduisent leur financement, cet objectif pourrait être plus difficile à atteindre et les forces de sécurité haïtiennes pourraient être encore plus vulnérables au cours des prochains mois.
Auteur(e)(s)
Daniel Saenz
Intelligence Analyst I
Daniel Saenz is a U.S.-based Intelligence Analyst specializing in the Americas. He joined Crisis24 in 2022 after graduating with a Master’s degree in International Affairs from George Washington...
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