En réponse à une grève générale nationale et à des manifestations de masse le 27 mars, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a quelque peu relâché les efforts de son gouvernement pour réformer le système judiciaire israélien, en annonçant que la mesure serait reportée à la prochaine session de la Knesset (parlement). Bien que des manifestations nationales s'opposant à la réforme judiciaire prévue aient eu lieu depuis janvier, elles se sont rapidement intensifiées après que M. Netanyahou a limogé le ministre de la défense, Yoav Gallant, le 26 mars, à la suite de son appel à la suspension des réformes judiciaires. Le plus grand syndicat israélien, la Histadrout, s'est mis en grève le 27 mars, provoquant des perturbations généralisées dans tout le pays. Les universités ont annoncé qu'elles cesseraient tous les cours. Les missions diplomatiques israéliennes, y compris les consulats et les ambassades, se sont jointes au mouvement dans le monde entier. Les banques ont également participé à l'arrêt de travail. Les autorités de l'aéroport international Ben Gourion de Tel Aviv (TLV) ont suspendu certains vols à l'arrivée et au départ. En outre, même le personnel militaire israélien a menacé de ne pas se présenter au travail.
La coalition gouvernementale a également indiqué qu'elle tenterait de mettre en œuvre les réformes par le dialogue ; il reste cependant à voir si Netanyahou est sincère dans sa volonté de négocier avec l'opposition politique. Si les négociations échouent et que le gouvernement agit unilatéralement, il est presque certain que les manifestations et les grèves gagneront en fréquence, en intensité et en ampleur.
Les réformes judiciaires
Les amendements proposés modifieront fondamentalement le cadre juridique actuel en Israël. La Cour suprême, que la coalition gouvernementale actuelle accuse d'activisme judiciaire, ne jouira plus des pouvoirs dont elle dispose actuellement. Au lieu de cela, les pouvoirs législatif et exécutif auront davantage leur mot à dire dans le processus de prise de décision en matière de politique publique, y compris en ce qui concerne l'expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie. Si les changements sont adoptés, le comité sera composé de 11 membres : le ministre de la justice, qui en sera le président, deux juges de la Cour suprême et d'autres représentants issus de la coalition au pouvoir. Cette nouvelle structure permettra au gouvernement d'avoir un contrôle total sur la nomination et la révocation des juges. Un autre élément des changements proposés est la clause dérogatoire, qui permettra à la Knesset d'annuler toute interprétation de la loi fondamentale par la Cour suprême. La clause d'annulation accordera également à la Knesset le pouvoir - au moins dans certaines circonstances - d'annuler une décision judiciaire disqualifiant une loi.
Israël n'a pas de constitution écrite. Cela s'explique par le fait qu'au moment de la création du pays en 1948, divers groupes et dirigeants politiques de premier plan n'ont pas pu se mettre d'accord sur les principes directeurs définissant l'État, son identité et sa vision. Le pays dispose de ce que l'on appelle les "lois fondamentales d'Israël", qui sont 13 lois quasi-constitutionnelles ; nombre de ces lois sont inscrites dans la Déclaration d'indépendance du pays et sont conçues pour protéger les libertés individuelles et définir les relations entre les différentes institutions gouvernementales. La loi fondamentale, qui concerne la dignité humaine et la liberté, jouit d'un statut juridique supérieur, conférant à la Cour suprême le pouvoir d'annuler toute loi la remettant en cause ou la contredisant. Les lois fondamentales étaient censées servir de projets de chapitres d'une future constitution, ce qui n'est pas encore le cas.
En vertu du cadre juridique actuel en Israël, la Cour suprême a le pouvoir de procéder à un contrôle judiciaire de tous les textes législatifs, décrets gouvernementaux et autres ordonnances émises par les institutions de l'État. La Cour suprême a également le pouvoir de disqualifier tout texte de loi ou décret qu'elle juge contraire aux lois fondamentales. Le nouveau gouvernement israélien, dans sa composition actuelle, est arrivé au pouvoir en décembre. Il est composé en grande partie de plusieurs partis juifs ultra-orthodoxes dont les membres ont été élus sur la promesse de réformer le système judiciaire du pays et d'étendre les colonies israéliennes en Cisjordanie. Les réformes judiciaires consistent essentiellement en une série d'amendements qui redéfiniront l'équilibre actuel des pouvoirs en Israël.
Le système judiciaire actuel, qui est responsable de la sélection des juges et des juges de la Cour suprême, est composé de neuf membres. Trois membres sont des juges de la Cour suprême d'Israël, deux sont des représentants de l'ordre des avocats, deux sont des législateurs de la Knesset et deux sont des membres du cabinet. Un vote à la majorité simple au sein de cette commission est nécessaire pour sélectionner les juges des tribunaux. Sept membres doivent être d'accord pour la sélection des juges de la Cour suprême. Les défenseurs du système actuel soutiennent qu'il est basé sur le consensus et qu'il bénéficie de l'adhésion des hommes politiques et d'autres parties prenantes du gouvernement. Les critiques soutiennent que le consensus est unilatéral car les gouvernements de droite doivent faire des compromis, alors que les gouvernements de gauche n'ont pas besoin d'un tel arrangement. Les critiques partent du principe que les membres de gauche de la commission votent en bloc et constituent déjà la majorité des juges de la Cour suprême.
Israël, comme l'ont montré les manifestations et les actions syndicales, souffre d'une grave polarisation qui va au-delà de la politique. Si les changements proposés ont suscité une telle réaction, c'est parce qu'ils toucheront certainement à l'identité nationale même du pays. D'un côté de l'échiquier politique, on trouve les partisans d'une société laïque et pluraliste. De l'autre côté, on trouve les groupes religieux et ultra-orthodoxes qui épousent une orientation plus nationaliste et forment la base de l'actuelle coalition au pouvoir. La suite des événements dépendra de M. Netanyahu et de ses alliés. La grève générale, lancée par la Histadrout, démontre clairement qu'une action unilatérale ne peut tout simplement pas aller de l'avant sans causer des dommages importants à l'économie israélienne. La décision de M. Netanyahou de retarder la réforme démontre que la seule voie possible est probablement celle du dialogue et du consensus entre toutes les parties prenantes. La suite des événements définira la politique et la société israéliennes pour les années à venir.
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