Après des mois de manifestations antigouvernementales sur fond de crise économique sans précédent, le président Gotabaya Rajapaksa du parti Sri Lanka Podujana Peramuna (SLPP) a démissionné le 14 juillet. Les manifestations avaient également poussé son frère, le premier ministre Mahinda Rajapaksa, à démissionner au début mai. Le parlement doit élire un remplaçant le 20 juillet, et un gouvernement multipartite intérimaire a été placé au pouvoir jusqu’en 2024, ou jusqu’à la tenue d’élections. Bien que le président intérimaire ait le soutien des députés du SLPP et soit le favori dans la course, on s’attend à ce que le chef du parti Samagi Jana Balawegaya (SJB), Sajith Premadasa, soit nommé premier ministre. L’administration intérimaire aura pour défi de résoudre les problèmes économiques tout en évitant les conflits politiques ou un regain d’agitation si certaines demandes des manifestants ne sont pas satisfaites.
Gotabaya Rajapaksa, un officier militaire décoré et membre de la famille la plus influente politiquement au Sri Lanka, avait remporté une victoire écrasante aux élections présidentielles de 2018. Mais des baisses d’impôt controversées, des changements de politique agricole fiscalement insoutenables, et un endettement accru pour financer des projets discutables ont forcé le pays à faire défaut dans le remboursement de ses prêts en avril 2022. Ces décisions sont venues exacerber la perte des revenus touristiques du pays, causée par la pandémie de COVID-19, qui a miné les réserves de devises étrangères nécessaires à financer les importations. La grogne du public face aux pénuries de biens essentiels a conduit progressivement à la détérioration des services publics et à des manifestations depuis le mois de mars. D’autres manifestations demeurent possibles dans les prochains mois pour réitérer les demandes non satisfaites de réformes fiscales, d’amendements constitutionnels pour abolir la présidence exécutive, et d’annulation des dettes des agriculteurs et petites entreprises.
Le parc Galle Face Green de Colombo va probablement rester l’épicentre des manifestations. Plusieurs déclencheurs pourraient précipiter des manifestations violentes et perturbatrices, incluant des retards dans l’accord politique pour nommer de nouveaux dirigeants et voter des réformes économiques, ou un échec de la résolution rapide des pénuries qui affectent la vie de tous les jours. Le gouvernement multipartite sera également sujet à l’instabilité en raison des diverses idéologies en présence et de la fracturation des partis d’opposition face à la majorité à deux tiers du SLPP. Un processus législatif perçu comme dominé par le SLPP pourrait raviver les manifestations antigouvernementales, principalement contre le président intérimaire Wickremsinghe ainsi que les membres et partisans reconnus de la famille Rajapaksa.
Toute prolongation de l’agitation ou manque d’unité politique viendra compromettre les pourparlers avec le Fonds Monétaire International (FMI) et les créanciers étrangers en vue d’améliorer la situation économique. Les inquiétudes concernant l’insécurité et les pénuries de biens essentiels vont sûrement amener divers gouvernements à déconseiller les voyages au Sri Lanka, minant ainsi les possibilités d’une reprise grâce aux revenus du tourisme, et la solution devra donc provenir d’une restructuration des prêts étrangers et d’un renversement des pertes de productivité agricole. Les autorités vont probablement resserrer leur contrôle des importations, recourir à des coupures de courant sporadiques, rationner l’essence, et restreindre divers services non essentiels au cours des prochains mois. Faute d’un nouveau stimulant dans l’économie, le renforcement des mesures d’austérité pourrait affecter les services essentiels incluant les soins de santé et les opérations industrielles. L’aggravation de la situation économique pourrait alors conduire à de violentes manifestations, entraînant un cercle vicieux d’instabilité politique et économique.
Malgré un recul temporaire des manifestations antigouvernementales suite au changement de gouvernement, le Sri Lanka reste dans une situation précaire du point de vue de la sécurité, en raison de la faiblesse intrinsèque de ses structures économiques et politiques. Les entreprises ont intérêt à prévoir des plans d’urgence en cas d’actes de violence, de mesures de sécurité accrues limitant les mouvements et les télécommunications, de pénuries de matériaux de base et/ou de main-d’œuvre, ou de limites opérationnelles imposées par le gouvernement.
Alertes de renseignement connexes
Critical | 15 Jul 2022 | 12:09 AM UTC | Sri Lanka: President Gotabaya Rajapaksa resigns amid an indefinite nationwide state of emergency as of July 15
Critical | 14 Jul 2022 | 03:26 AM UTC | Sri Lanka: Curfew declared in Colombo District 12:00 July 14-05:00 July 15
Critical | 13 Jul 2022 | 09:45 PM UTC | Sri Lanka: Nationwide state of emergency in effect as of July 14
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Auteur(e)(s)
Sharanya Anguraj
Analyste du renseignement I
Sharanya Anguraj est une analyste du renseignement basée à Singapour, spécialisée dans la surveillance et les alertes en temps réel, ainsi que dans les rapports spéciaux et les analyses, avec un...
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