La Suède est confrontée à une crise à la suite d'une récente série de manifestations provocatrices au cours desquelles des militants ont brûlé ou dégradé le Coran. Cette crise met en lumière le dilemme auquel est confronté le pays entre la liberté d'expression et sa réputation internationale, à un moment où les tensions sont exacerbées. Contrairement à la plupart des pays occidentaux, la Suède n'a pas de réserves sur le blasphème dans ses lois sur la liberté d'expression. Sur le plan intérieur, le gouvernement s'efforce de concilier sa réputation d'accueil des migrants et la montée des partis d'extrême droite. La crise a provoqué la colère des pays musulmans et menace de provoquer des troubles civils contre les missions diplomatiques et les intérêts suédois à l'étranger. À l'extrême, la Turquie pourrait profiter de ces événements pour retarder encore l'adhésion de la Suède à l'OTAN.
Brûlages récents de corans en Suède
Le 28 juin, Salwan Momika, un réfugié irakien, a brûlé un Coran devant la mosquée de Stockholm, affirmant que le livre saint des musulmans "encourageait la violence". Le même homme a piétiné un Coran devant l'ambassade d'Irak à Stockholm le 20 juillet et en a brûlé un autre devant le Parlement suédois le 31 juillet. L'autodafé du Coran n'est pas une nouvelle forme de protestation en Suède ; des militants d'extrême droite ont organisé des événements similaires en 2020 et 2022, provoquant de violentes émeutes dans tout le pays.
La crise actuelle n'a pas encore provoqué de troubles civils parmi les minorités musulmanes en Suède, mais elle a suscité une réaction internationale plus forte. Le gouvernement suédois a réagi fermement. Le Premier ministre Ulf Kristersson a annoncé qu'il étudierait les moyens juridiques de prévenir d'autres incidents et a reproché à des acteurs extérieurs d'exploiter la situation internationale en matière de sécurité. Il a accusé la Russie d'orchestrer la désinformation en ligne qui prétend à tort que le gouvernement suédois soutient les brûlages de Coran.
Évolution de la politique migratoire de la Suède
La Suède jouit d'une réputation impressionnante en matière d'accueil des réfugiés et des migrants. Entre 2013 et 2015, elle a accepté le plus grand nombre de demandeurs d'asile par habitant dans l'UE. Toutefois, l'augmentation de la criminalité dans les communautés immigrées et le militantisme croissant de l'extrême droite ont entraîné des changements dans la politique gouvernementale. Lors des élections générales de 2022, le parti anti-immigration des Démocrates de Suède a obtenu 20 % des voix. Le Premier ministre Kristersson est le chef du parti Modéré, mais il compte sur le soutien des Démocrates de Suède dans le cadre de la coalition quadripartite qui forme le gouvernement. L'"accord de Tido" conclu entre les partis a réaffirmé la tendance, amorcée en 2015, vers une politique migratoire plus stricte. Le gouvernement lui-même a déclaré que "la politique migratoire de la Suède subit un changement de paradigme".
L'inclusion des Démocrates de Suède dans la coalition gouvernementale et la menace d'un durcissement des politiques d'immigration peuvent expliquer en partie l'absence de protestations violentes en Suède à la suite de l'incendie du Coran. Les citoyens musulmans pourraient craindre d'être expulsés ou de voir leurs droits limités en raison de la violence attribuée aux migrants. Au contraire, les communautés d'immigrés suivent l'appel au calme lancé par le Premier ministre et reconnaissent peut-être que seule une infime minorité est responsable de ces actes provocateurs. L'agence suédoise des migrations a d'ailleurs annoncé qu'elle réexaminait le statut de réfugié de l'organisateur de la manifestation, Salwan Momika.
Réactions internationales
Les relations diplomatiques entre la Suède et les pays musulmans ont été mises à mal par les incendies de Coran. Les incidents ont déclenché des protestations dans plusieurs pays, notamment des manifestations violentes autour de l'ambassade de Suède à Bagdad, en Irak, qui ont entraîné des dégâts matériels et des incendies criminels. L'Irak a expulsé l'ambassadeur de Suède et rappelé son chargé d'affaires le 20 juillet. D'autres pays musulmans ont condamné les profanations du Coran en Suède et l'Organisation de la coopération islamique (OCI) a convoqué une réunion d'urgence pour demander que des mesures soient prises contre l'islamophobie. Le 1er août, un membre turc du personnel du consulat honoraire suédois à Izmir, en Turquie, a été blessé par balle par un Turc. Le lien entre cette fusillade et les brûlages de Coran n'a pas encore été établi, mais elle a contribué à accroître les tensions entre la Suède et la Turquie.
Les entreprises suédoises établies à l'étranger, en particulier dans les pays musulmans, courent un risque accru. Les fonctionnaires suédois et les ressortissants vivant dans les pays musulmans pourraient être la cible de représailles, et les ambassades et leur personnel pourraient être confrontés à de violentes émeutes et à des attaques terroristes si les brûlages de Coran se poursuivent. La sécurité sera probablement renforcée autour des locaux diplomatiques. Les entreprises suédoises pourraient faire l'objet de sanctions de la part de leur pays de résidence, de boycotts de produits et de services, et de dommages matériels de la part des manifestants.
Réactions nationales
Les autorités suédoises n'ont pas sanctionné la profanation du Coran, mais la loi suédoise garantit la liberté d'expression. Stockholm est pris dans un dilemme entre la garantie du droit à la liberté d'expression et la sécurité intérieure. Le Premier ministre a annoncé lors d'une conférence de presse le 1er août qu'il envisageait de modifier la loi sur l'ordre public sans restreindre la liberté d'expression.
L'environnement sécuritaire en Suède risque de se détériorer. La menace du terrorisme et des troubles civils violents s'est accrue et s'intensifiera encore si de nouvelles immolations de Coran ont lieu. La Suède a reçu plusieurs nouvelles demandes de manifestations comprenant l'incinération provocatrice d'autres livres saints, dont la Bible et la Torah. Les manifestants ont organisé des manifestations pacifiques ces derniers jours, mais dans la nuit du 31 juillet, certains comptes de médias sociaux ont appelé à des manifestations violentes à l'échelle nationale pour se venger de l'incinération du Coran.
Il existe également un risque accru d'attaques terroristes de la part de groupes terroristes internationaux basés au Moyen-Orient, encouragés par la désinformation diffusée par la Russie et d'autres pays hostiles. Les autorités suédoises chargées de la sécurité maintiendront probablement une vigilance accrue et déploieront probablement des forces de police supplémentaires lors de toute manifestation potentielle. Les autorités ont mis en place des contrôles frontaliers plus stricts par crainte d'une menace extérieure accrue. Les voyageurs étrangers pourraient faire l'objet d'une surveillance accrue aux frontières, ainsi qu'à l'intérieur du pays.
L'avenir de l'adhésion de la Suède à l'OTAN
Lors du sommet de l'OTAN de Vilnius en juillet, le président turc Erdogan a accepté de soumettre à l'approbation de son parlement, cet automne, la demande d'adhésion de la Suède à l'OTAN, qui a été retardée. Erdogan a bloqué l'adhésion de la Suède à l'OTAN pendant plus d'un an, accusant la Suède d'héberger des militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), que la Turquie considère comme des terroristes. Stockholm a récemment fait des concessions pour obtenir l'approbation de la Turquie, notamment en renforçant la prévention du terrorisme visant les réfugiés kurdes et en soutenant la normalisation des relations de la Turquie avec l'UE en matière d'accords douaniers et d'exemption de visa.
La Turquie a publiquement critiqué la Suède pour avoir autorisé les incendies de Coran et l'a exhortée à prendre des mesures pour éviter d'autres incidents. Le gouvernement turc, qui a des tendances de plus en plus autoritaires et islamistes et qui dépend d'un parti populiste d'extrême droite pour la coalition au pouvoir, pourrait encore empêcher la Suède d'adhérer à l'OTAN. Les relations complexes qu'entretient Erdogan avec la Russie et la nécessité de maintenir une position ferme à l'égard du PKK pourraient également influer sur le processus d'adhésion à l'OTAN. Il reste possible que l'avenir de la Suède dans l'alliance de l'OTAN soit menacé par ces actes perpétrés par un petit nombre de personnes.
Conclusion
La Suède a été confrontée aux actes d'une infime minorité qui ont suscité l'indignation de la communauté internationale. Cette situation a mis en lumière le dilemme auquel est confronté un pays progressiste entre la liberté d'expression et le risque que le blasphème ne heurte les communautés locales et les partenaires internationaux. Elle est survenue à un moment de tension internationale et de changement de politique intérieure en matière d'immigration, et risque d'exacerber ces deux phénomènes. Le fait que la Suède envisage de modifier une loi relative au droit à la liberté d'expression démontre sa détermination à maintenir de bonnes relations avec la Turquie et d'autres pays musulmans.