Préparé par Courtney Kansler, Lise Barnard et Zulfah Albertyn-Blanchard
Bon nombre d'entreprises envisagent le passeport vaccinal comme solution simple et rapide au problème complexe de la reprise des voyages intérieurs et internationaux face à la COVID-19. Les applications de vérification numérique créées par différents États, pays et sociétés privées sont basées sur de nombreux modèles différents.
Mais surtout, espérer que ces applications permettront de relancer facilement les voyages intérieurs et internationaux revient à ignorer le manque de données concernant la durée de la protection offerte par les anticorps contre le SARS-CoV-2, le virus qui cause les symptômes de la COVID-19, en fonction des vaccins et aussi des variants, ni l'effet de ces facteurs sur les personnes qui ont déjà infectées par la COVID-19 en comparaison à celles qui ne l'ont pas été. Plusieurs mois, si ce n'est plusieurs années de données additionnelles seront nécessaires à établir la qualité et la durée de la protection en toute certitude.
Au stade actuel, les passeports vaccinaux numériques représentent une mesure imparfaite qui ne peut être appliquée de manière universelle, surtout si l'on considère les disparités dans la vaccination contre la COVID-19 d'un pays à l'autre.
Obstacles à la normalisation des passeports vaccinaux
Il n'y a actuellement aucune référence commune au niveau mondial pour la conception du passeport vaccinal face à la COVID-19. À la mi-décembre 2020, l'Association du transport aérien international (IATA) a dévoilé sa propre application mobile, le IATA Travel Pass, pour aider les voyageurs à gérer leurs renseignements concernant leurs tests ou vaccins contre la COVID-19 d'une manière qui répond aux exigences de leur pays de destination.
Le Commons Project, en collaboration avec le Forum économique mondial, a conçu une application mobile nommée CommonPass qui est déjà utilisée par plusieurs transporteurs dont JetBlue, Lufthansa, Swiss International Airlines, United et d'autres dans le but d'en faire la référence internationale en matière de passeport vaccinal.
Cependant, il est encore trop tôt pour affirmer si le CommonPass ou le passeport de l'IATA seront adoptés par le monde entier. Au même moment, l'Union Européenne a annoncé le Certificat vert numérique, qui permettra aux personnes vaccinées de voyager durant l'été entre les pays membres et d'autres pays partenaires.
Les utilisateurs doivent noter que les gouvernements peuvent modifier à tout moment leurs exigences à l'entrée concernant la vaccination contre la COVID-19. Les voyageurs ont intérêt à confirmer ces exigences auprès d'une source de première main, comme le Ministère de la santé ou l'ambassade du pays de destination.
Inquiétudes concernant la protection des renseignements des voyageurs
Des sociétés privées de développement logiciel ont été mandatées pour concevoir des applications de passeport vaccinal sur mesure pour différentes villes, gouvernements ou transporteurs aériens. Mais la course au développement d'applications spécifiques à certaines populations compromet la normalisation de la sécurité numérique et de la protection des renseignements personnels.
Bien que les secteurs du voyage d'affaires et du tourisme aient présenté le passeport vaccinal comme un outil nécessaire à la relance des voyages dans le monde, les données sont encore insuffisantes pour établir la durée et les types de protection offertes par les vaccins (par exemple contre la gravité des symptômes, contre l'infection, ou contre la transmission à d'autres).
Défis de santé publique à destination
Les autorités ont exprimé des inquiétudes d'ordre pratique et éthique concernant l'utilisation des passeports vaccinaux. Les enjeux pratiques incluent le degré d'immunisation (la réponse immunitaire réduit-elle seulement la gravité de la maladie, ou prévient-elle aussi l'infection ?) tout comme la durée de l'immunisation (semaines, mois ?) suite à la vaccination. À défaut d'établir ces paramètres avec certitude, les individus même complètement vaccinés pourraient poser un risque aux populations vulnérables telles que les travailleurs de la santé, les personnes de plus de 60 ans, et les personnes immunodéprimées.
Inconnues et questions sans réponse
De nombreux experts s'entendent pour dire que l'on manque de données pour définir la période pendant laquelle un individu vacciné présente un risque moindre de développer des symptômes graves de la COVID-19. Puisqu'il n'existe aucune garantie sur la portée ni sur la durée de l'immunité contre la COVID-19, l'utilisation de passeports vaccinaux est encore peu pratique, même dans les pays où les vaccins sont facilement disponibles et accessibles.
Les voyageurs munis de passeports vaccinaux pourraient devenir infectés alors que leur immunité baisse avec le temps, et transmettre involontairement le virus à d'autres, tout en croyant que leurs actions sont sécuritaires uniquement parce qu'ils ont un passeport vaccinal. Malgré tout, ces inconnues n'ont pas empêché bon nombre de citoyens, entreprises et gouvernements d'affirmer que le passeport vaccinal est essentiel au retour à la normale.