Tendance: Aggravation
Les attentats houthistes impliquant des missiles et des drones militarisés vont certainement se poursuivre à court terme aux Émirats Arabes Unis. Les rebelles ont démontré leur capacité à frapper les ÉAU à répétition, particulièrement à Abu Dhabi. Quatre attentats houthis sont survenus aux ÉAU dans les dernières semaines, ce qui laisse supposer que ces incidents pourraient devenir la nouvelle normalité sur le territoire émirien.
Les capacités des Houthis
Les Houthis raffinent et perfectionnent leurs systèmes d'armement à mesure que se poursuit la guerre au Yémen. La récente série d'attaques contre les ÉAU illustre l'amélioration de leurs capacités puisque le territoire qu'ils contrôlent se trouvent à 1469 km de distance. Les rebelles houthis ont autant les moyens que la volonté de commettre des attentats par projectiles sur le territoire émirien.
Pour expliquer ces attentats, il est fort probable qu'il existe une industrie d'assemblage de missiles et de drones déjà évoluée dans le Nord du Yémen, sous contrôle des Houthis. Cette industrie est soutenue par un approvisionnement iranien en systèmes de guidage de missile, en moteurs de drones, et en composants de combustible, ainsi que des équipements militaires disponibles localement et des matériaux importés comme la fibre de verre. En outre, les Houthis reçoivent régulièrement des livraisons d'armes de la part de l'Iran. Le groupe dit avoir produit localement des drones militarisés d'une portée de 15 à 1500 km, ainsi que des missiles balistiques tactiques d'une portée de 30 à 1200 km.
Pourquoi ces attentats surviennent maintenant aux ÉAU ?
ien que les ÉAU aient retiré la majeure partie de leurs troupes du Yémen en 2019, ils conservent une influence significative sur les forces interposées dans le Sud du Yémen. Ces forces émiriennes, surnommées « Brigade des Géants », ont joué un rôle clé dans la défaite des Houthis au gouvernorat du Shabwah en janvier 2022. La perte des districts d'Ain, Usailan et Bayhan fût un revers majeur pour les rebelles. Ils s'étaient emparés du territoire dans le cadre d'une campagne plus large visant le gouvernorat de Marib.
La bataille du Marib se poursuit depuis près d'un an. Le contrôle du Shabwah et du Marib, riches en pétrole, sont des composantes essentielles de tout État houthi potentiel. De plus, des victoires militaires houthis dans les deux gouvernorats auraient sapé tout espoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi de conserver un pouvoir significatif dans le pays. L'attentant houthi initial du 17 janvier a très certainement été commis en représailles des revers militaires subis aux mains de la Brigade des Géants soutenue par les ÉAU.
Les attentats houthis ne peuvent être analysés isolément de la situation globale au Moyen-Orient. La région traverse son plus important changement de paradigme depuis l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003. Les tensions irano-américaines perdurent malgré les efforts indirects des deux pays pour rescusciter l'accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien. Des milices chiites associées à l'Iran continuent d'attaquer des bases irakiennes qui abritent des militaires américains ainsi que des missions diplomatiques en Irak.
Les ÉAU, qui ont subi plusieurs attentats maritimes sur leurs côtes durant le mandat de l'ex-président américain Donald Trump, travaillent à nouer des liens plus amicaux avec l'Iran. Les États du Golfe, notamment les ÉAU et le Bahreïn, normalisent leurs relations avec Israël. En même temps, Isräel et l'Iran semblent avoir intensifié leurs attaques clandestines mutuelles. Étant donné le soutien de l'Iran aux Houthis, ce n'est sans doute pas une coïncidence que ces derniers aient pris les ÉAU pour cibles pendant que le président israélien y faisait une visite officielle le 31 janvier.
Le facteur irakien – Attentat du 2 février
Le groupe « fantôme » irakien Alwiyat al-Waad al-Haq (AWH) a revendiqué l'attentat du 2 février contre les ÉAU. Ce groupe est considéré par plusieurs comme une organisation de couverture du Kata'ib Hezbollah, soutenu par l'Iran. Malgré ses origines irakiennes, AWH n'a encore revendiqué aucune attaque en territoire irakien, et semble se concentrer sur la propagande anti-saoudienne et anti-émirienne.
Les milices irakiennes allèguent que les ÉAU ont interféré dans les récentes élections; AWH avait explicitement menacé les ÉAU dans les semaines précédant l'attentat initial du 17 janvier. Les preuves des revendications d'AWH ne sont pas disponibles; mais il est fort probable que ses opérations sont dirigées, ou tout au moins tolérées par l'Iran. Les revendications d'AWH indiquent un resserrement de la coopération entre les alliés de l'Iran dans la région.
Peut-on voyager de manière sécuritaire aux ÉAU ?
La menace globale des attentats houthis demeure très limitée. Malgré les attentats récents, il n'y a pas d'accroissement du niveau de risque pour les voyageurs aux ÉAU, car l'armée émirienne possède des capacités avancées d'interception et de destruction des projectiles; ce sont les mêmes systèmes de défense aérienne et d'interception de missiles que l'on trouve en Arabie saoudite.
Les Émiriens possèdent des systèmes de défense d'étage supérieur (THAAD). L'Arabie saoudite, qui est la cible d'attaques répétées de la part des Houthis depuis 2015, dit intercepter la plupart des projectiles. Cependant, les chutes de débris après interception demeurent un danger mortel. Puisqu'ils utilisent des technologies de défense aérienne presque identiques, les ÉAU vont vraisemblablement intercepter la plupart des projectiles.
Bien que l'armée émirienne soit certainement en mesure d'atténuer la menace de nouveaux attentats houthis, aucun système de défense aérienne n'est totalement efficace. Avec quatre attentats en trois semaines, il semble que les Houthis aient étendu leur soi-disante campagne de dissuasion. Cette campagne, menée en réponse à l'implication militaire de la coalition saoudienne au Yémen, ciblait jusqu'ici des infrastructures critiques, des bases militaires, et des aéroports en Arabie saoudite.
Mais la répétition des attentats aux ÉAU indique que la campagne s'étend maintenant aussi à ce pays. Les envois de projectiles houthis ont un but principalement politique : ils souhaitent pousser les ÉAU à accepter un règlement politique du conflit au Yémen qui leur soit bénéfique. Cette stratégie apparente est très différente de celle en vigueur au Yémen, où les missiles et drones militarisés sont utilisés à des fins purement meurtrières.
Conclusion
Il est peu probable que les Houthis cessent leurs envois de missiles et de drones militarisés aux ÉAU dans l'avenir proche. Étant donné que les ÉAU n'ont visiblement aucune intention de retirer leur soutien aux forces interposées, qu'aucune solution diplomatique n'a été proposée, et que les tensions s'intensifient entre les Houthis et la coalition militaire saoudienne, on peut s'attendre à une multiplication des attaques dans les mois à venir.
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Auteur(e)(s)
Adam Prusakowski
Analyste du renseignement III | Service mondial du renseignement
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