Des manifestations d'envergure agitent la Colombie depuis la fin avril, et on déplore déjà 40 décès ainsi que des centaines de véhicules, commerces et édifices gouvernementaux endommagés ou détruits dans la plupart des grandes villes.
Bien que le nombre de participants et la violence associée aient diminué progressivement dans les derniers jours, les nombreux problèmes qui les ont motivés ne seront vraisemblablement pas réglés à court terme, ce qui rend très probables de nouvelles manifestations dans les prochains mois.
Ces manifestations ont initialement été déclenchées en réaction à un projet de réforme fiscale parrainé par le président Iván Duque. Bien que le projet ait été retiré après le début des manifestations, des syndicats, associations étudiantes et partis politiques d'opposition sont restés mobilisés dans tout le pays pour réclamer des solutions à des problèmes persistants, comme la pauvreté et les inégalités, qui ont été encore exacerbées par les effets économiques de la pandémie de COVID-19.
À cela s'ajoute la colère du public envers l'attitude de l'armée et de la police pendant les manifestations, qui a été critiquée par les organisations internationales de défense des droits humains.
Les facteurs qui pèsent sur les pourparlers
Au cours des derniers jours, les représentants de l'administration Duque ont rencontré à plusieurs reprises les leaders du mouvement réunis sous la bannière du Comité national de grève (Comité Nacional de Paro), mais les deux parties ne sont parvenues à aucun accord.
Le gouvernement réclame avant toute chose la levée des barrages routiers établis par les manifestants en travers des principales autoroutes du pays, tandis que les leaders du mouvement exigent des garanties que les manifestations pacifiques seront autorisées, ainsi qu'une révision des méthodes employées par les forces de l'ordre contre les manifestants.
Même si des accords préliminaires étaient conclus et l'agitation commençait à s'apaiser d'ici la fin mai, les problèmes persistants qui forment la toile de fonds des manifestations ne seront vraisemblablement pas réglés dans les prochains mois.
L'économie colombienne a profondément été touchée par la pandémie, avec une chute de 6,8 % du PIB pour 2020, et malgré les signes de reprise en 2021, la nouvelle vague d'infections en cours, la lenteur des vaccinations, et les manifestations elles-mêmes vont certainement compromettre la croissance économique pour le restant de l'année.
En outre, une entente globale avec les manifestants, ou l'adoption de réformes comme celles qu'ils réclament, vont être difficiles à conclure avec l'administration Duque. La cote de popularité du président a été affectée par sa gestion de la pandémie et des manifestations en cours, et alors qu'approchent les élections présidentielles et législatives de 2022, auxquelles il ne peut pas participer, il sera difficile pour son administration de bâtir des alliances politiques.
Les manifestants sont également méfiants envers le gouvernement suite à l'échec des négociations passées ; un mouvement similaire à la fin 2019 avait amené le gouvernement à des rencontres et des négociations avec les manifestants, mais celles-ci n'avaient débouché au bout du compte sur aucune réforme significative.
Les implications politiques pour l'avenir
Si les manifestations en cours devraient se terminer peu à peu dans les prochaines semaines, la difficulté du gouvernement à bâtir des alliances et le manque de confiance qu'il inspire aux manifestants rendent très probables la tenue de nouvelles manifestations et grèves dans les prochains mois, et elles pourraient déboucher à nouveau sur des troubles sociaux d'envergure.
Le mouvement de protestation devrait aussi influencer les élections de l'an prochain, au cours desquelles la polarisation des politiciens sera sûrement encore plus marquée qu'auparavant. Les conservateurs vont probablement proposer des mesures plus musclées pour réduire l'impact des manifestations et punir le vandalisme, tandis que les mouvements de gauche sont appelés à réclamer des transformations majeures dans les institutions du pays, incluant une réécriture de la constitution.
Alertes de renseignement connexes
21 May 2021 | 09:37 AM UTC | Critical | Colombia: Nationwide protests and strikes to continue through at least the end of May /update 7
17 May 2021 | 07:00 PM UTC | Critical | Colombia: Nationwide protests and strikes to continue through late May /update 6
10 May 2021 | 03:07 PM UTC | Critical | Colombia: Nationwide protests and strikes likely to continue through at least mid-May /update 5
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Auteur(e)(s)
José De Bastos
Analyste du renseignement IV
José De Bastos est un analyste du renseignement basé aux États-Unis. Il a rejoint Crisis24-acquisition IJet en 2018, après avoir obtenu un master en sciences politiques de l'Université américaine en...
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