Lagos, Nigéria en 2016. Les conditions opérationnelles se sont empirées au Nigéria ces dernières années, freinant le pays dans la réalisation de son potentiel.
Le récent blocage d'un réseau social a détourné l'attention des sérieux problèmes sociaux, économiques et sécuritaires qui minent le potentiel du Nigéria.
Le 5 juin, les autorités du Nigéria ont annoncé le blocage du réseau social Twitter après que la société a refusé de supprimer un Tweet du président Muhammadu Buhari où il parlait de traiter les personnes ayant un « mauvais comportement (...) avec un langage qu'ils comprennent ». Ce Tweet était une menace à peine voilée d'utiliser la violence contre les séparatistes du Sud-Est du pays. La jeunesse très nombreuse du Nigéria a tourné le blocage en ridicule, et il a été largement désigné comme une nouvelle preuve de glissade du pays vers l'autoritarisme. Parmi ses autres actes récents visant à contrôler les médias et les plateformes de communication, le gouvernement a annoncé son intention d'imposer une licence aux médias sociaux et applications de messageries et de créer un registre des utilisateurs de cartes SIM. Dans un pays où l'âge médian est de 18 ans et où le chômage bat des records (il est au moins à 33 % mais sûrement davantage en raison de la sous-déclaration), les critiques ont accusé le gouvernement et les élites d'être déconnectés de la population. Le blocage coûte en outre à l'économie jusqu'à 6 millions USD par jour.
Un ralentissement économique empiré par les effets du blocage
Pendant qu'on mesure encore les effets du blocage du réseau social, l'économie du Nigéria demeure en piètre état. On s'attend à voir le chômage dépasser les 33 % actuels sous l'effet de la pandémie prolongée de COVID-19. En outre, l'incapacité du Nigéria à diversifier son économie engendre depuis longtemps des faiblesses sans lien avec la pandémie. Le pays est à la merci des prix du pétrole, et chaque nouvelle chute se traduit par une récession pour le géant africain. Les revenus du pétrole représentent 50 % du budget de l'État, qui a connu un déclin depuis la dernière baisse des prix du pétrole et doit pourtant financer des infrastructures et services sociaux déjà fragiles. Le ralentissement et l'éventuelle paralysie de l'économie affectent une bonne partie de la population, et notamment les jeunes. Les dépenses du gouvernement en éducation sont presque nulles et le président Buhari a admis que le gouvernement n'avait pas les fonds suffisants pour relancer le système.
Le Nigéria reste vulnérable face à l'insécurité
La situation économique, en conséquence, a grandement affecté les conditions de sécurité. Des millions de gens vivent sous le seuil de la pauvreté, et un nombre important de chômeurs s'en remettent à la criminalité, au banditisme et à la piraterie. Celle-ci prend de l'ampleur dans le golfe de Guinée et ses auteurs opèrent généralement à partir du Nigéria. De nouveaux points chauds de la piraterie sont d'ailleurs apparus dans les derniers mois, incluant des incidents au large du Ghana et du Gabon, à des centaines de kilomètres du Nigéria. On observe également une recrudescence des enlèvements, des violences interethniques et des activités sécessionnistes, notamment dans les régions du Sud-Est et du Sud-Ouest. Des groupes terroristes djihadistes salafistes restent présents au Nigéria malgré des années d'efforts militaires. Leur capacité à s'adapter et se déplacer rapidement tout en exploitant les vulnérabilités stratégiques de l'armée leur permettra de survivre jusqu'à ce qu'une approche complète et multiforme résolve les causes sous-jacentes de l'insurrection. La question du Biafra est aussi revenue au premier plan ces derniers mois sous l'effet de la menace croissante d'une désintégration du Nigéria. Le Tweet controversé du président faisait allusion aux séparatistes alliés au Mouvement des peuples indigènes du Biafra qui opèrent dans le Sud-Est, suite à des attaques répétées contre des forces de sécurité au début de 2021.
Perspectives à court terme pour les conditions opérationnelles au Nigéria
Les conditions opérationnelles ne vont probablement pas s'améliorer à moyen terme. L'insécurité devrait rester élevée, et de nouveaux troubles civils pourraient agiter les principales zones urbaines incluant Lagos et Abuja. Une escalade des activités sécessionnistes dans le Sud-Est est tout à fait possible. Malgré la menace de violence du président, une intervention des forces de sécurité ne permettra pas de résoudre la situation. Il est très probable de voir se produire des incidents ciblant les entreprises locales et étrangères jugées insuffisamment patriotiques ou nuisibles au pouvoir des autorités, surtout si ces organisations sont perçues comme partisanes des activistes et groupes civils. Les autorisés peuvent aussi s'en prendre aux organisations humanitaires ou de défense des droits humains si celles-ci sont considérées comme antagonistes au discours officiel.
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