Le 31 août, le département de l'antiterrorisme (DAT) du Pakistan a annoncé avoir abattu onze militants du groupe État islamique - Province de Khorasan (ISKP, ou ISIS-K) lors de raids dans le district de Mastung de la province du Baloutchistan, à environ 45 km au Sud-Est de Quetta, la capitale provinciale. Fondé en 2014, l'ISKP comprend surtout des Pakistanais et des Afghans qui ont été exclus par les talibans en raison d'un extrémisme jugé insuffisant. Ses premiers combattants ont prêté allégeance au dirigeant de l'État islamique Abou Bakr al-Baghdadi, aujourd'hui décédé. Le groupe est désormais l'un des adversaires les plus violents des talibans au Pakistan et en Afghanistan. L'opération du DAT était la dernière d'une série de raids ciblant les militants islamistes dans la province, lors desquels ses agents ont saisi des ceintures et gilets explosifs, des grenades, des explosifs et des fusils d'assaut.
Selon les médias, le DAT est de plus en plus inquiet des retombées potentielles de la situation en Afghanistan, et aurait entrepris une mise à niveau de ses structures existantes afin d'améliorer ses capacités d'intervention face à de futures menaces transfrontalières. En outre, d'anciens responsables du renseignement pakistanais ont déclaré aux médias qu'ils espéraient que le Pakistan conclue une entente avec les talibans afin d'empêcher que leurs territoires respectifs servent de refuges d'où des groupes militants opposés pourraient lancer des attaques les uns contre les autres.
Les infrastructures et travailleurs chinois sont pris pour cibles par les groupes militants
La présence au Pakistan de groupes militants islamistes (et séparatistes) n'est pas une future menace aux intérêts intérieurs et étrangers car le pays a déjà subi de nombreux attentats terroristes visant les étrangers, en particulier les travailleurs chinois et leurs opérations. Ces attentats contre les infrastructures et le personnel chinois étaient auparavant perpétrés par des séparatistes, mais désormais, les groupes militants islamistes comme l'ISKP prennent eux aussi pour cible les activités étrangères au sein du pays.
Au Baloutchistan seulement, le groupe militant islamiste Tehrik-i-Taliban (TTP) a raté de peu l'ambassadeur chinois au Pakistan, M. Nong Rong, durant sa visite à Quetta en avril 2021 lorsque des attaquants ont fait détonner un véhicule piégé près d'un hôtel de luxe de la ville, faisant cinq morts. L'ISKP a aussi revendiqué la responsabilité d'un attentat en juillet lorsqu'un kamikaze a attaqué un autobus de travailleurs, faisant 13 morts incluant neuf ressortissants chinois; et aussi d'un attentat au mois d'août contre un cortège de véhicules du projet d'autoroute Gwadar East Bay, qui fait partie du Couloir économique Chine-Pakistan (CPEC). La Chine a immédiatement réclamé des mesures fermes et rapides de la part d'Islamabad pour protéger les organisations et projets et punir les coupables – contribuant au regain d'activité du DAT.
L'extension du couloir économique à l'Afghanistan est désormais compromise
Le Baloutchistan est l'une des provinces pakistanaises les plus riches en minéraux, et malgré les défis pour la sécurité, la faiblesse des institutions et des cadres réglementaires, et la rareté de l'eau, elle abrite d'importants projets d'extraction de minéraux incluant les trois mines à grande échelle de Saindak, Dudder et Reko-diq (Sainduk et Dudder sont opérées par la société chinoise China Metallurgical Construction Corporation (MCC)). La province abrite également un port stratégique situé à Gwadar, et en raison de sa position dans le Couloir économique, on y compte de 10 000 à 15 000 ressortissants chinois.
Il existe des hypothèses selon lesquelles la Chine pourrait chercher à étendre son Couloir économique à l'Afghanistan, un pays présumé ri che en gisements d'énergie et de minéraux d'une valeur estimée de 1 à 3 billions USD. De fait, il semble que les dirigeants du parti communiste chinois auraient eu pendant plusieurs mois des discussions sur la sécurité et l'économie avec les talibans afghans, et d'autant plus depuis que ces derniers ont pris le pouvoir central du pays en août. Cependant, les faiblesses existantes au Pakistan et la situation actuelle en Afghanistan ne devraient pas changer dans un avenir proche, et un consensus s'est formé sur l'improbabilité d'une extension dans la région en raison des risques importants qu'elle entrainerait.
Les risques évoluent constamment au Pakistan
Les affrontements entre les forces de sécurité pakistanaises et les militants vont probablement se multiplier à court terme au Baloutchistan, et les activités militaires récentes indiquent que la nature des risques évolue au Pakistan, alors que les groupes séparatistes et islamistes ont redirigé leur attention sur les intérêts Chinois et d'autres pays. Le CPEC, qui doit traverser le Pakistan, offre à ces groupes des occasions de cibler à la fois des intérêts pakistanais et chinois, ce qui complique les initiatives pour assurer leur protection. La détérioration de la sécurité en Afghanistan, combinée à la nature changeante et au nombre croissant des attentats contre les intérêts stratégiques chinois au Pakistan, exigent des employeurs et des personnes travaillant sur le territoire de rehausser leur vigilance.
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