Le navire échoué enfin remis à flot
Le 23 mars 2021, l'Ever Given, un porte-conteneurs de 200 000 tonnes, s'est échoué dans le canal de Suez. Le navire taïwanais se rendait de la Chine aux Pays-bas lorsque des vents violents et une faible visibilité l'ont amené à s'encastrer dans les rives et à s'immobiliser en travers du canal, bloquant la navigation dans l'une des voies navigables les plus importantes du monde. Les autorités ont immédiatement fait appel à des bateaux de sauvetage et à des machines d'excavation pour secourir le navire en détresse. Après plusieurs tentatives sans succès, la situation s'est finalement améliorée dans la nuit du 28 mars et l'Ever Given a été remis à flot dans l'après-midi du 29.
Des risques limités pour les navires en attente
Après un blocage de presque une semaine, environ 400 navires attendaient de reprendre leur traversée, à l'intérieur et à l'extérieur du canal. Cependant, les risques pour leur sécurité sont demeurés bas. Les mesures anti-terroristes de l'Égypte ont réduit les menaces des insurgés dans la péninsule du Sinaï et des groupes affiliés à l'État islamique. La voie navigable est hautement protégée, notamment par la base aérienne de Bir Gifgafa dans le Sinaï. Le dernier incident impliquant un navire dans le canal remonte à 2013, quand des lancements de roquettes ont causé des dommages minimes à un porte-conteneurs, sans affecter sur les opérations du canal. Des inquiétudes ont été exprimées quant à des attaques depuis les rives ou l'utilisation d'engins explosifs flottants, mais aucun incident de ce type n'est encore survenu dans la région.
Les autorités du canal estiment que les navires en attente devraient compléter leur traversée en trois à quatre jours. Les transporteurs qui planifient un ralentissement des navires actuellement en direction du Nord dans l'océan Indien dans le but d'anticiper les retards devraient prendre en compte les risques pour leur sécurité dans la Mer rouge méridionale et le golfe d'Aden. Malgré une baisse de la piraterie, les menaces demeurent élevées dans cette zone pour les transporteurs en raison de possibles débordements du conflit au Yemen. Les forces ralliées à Al Houthi ont déjà menacé de perturber le transport maritime en réaction à des attaques aériennes et autres offensives de la coalition. Néanmoins, l'incident de l'Ever Given n'a entraîné qu'une faible hausse des risques latents.
Impact résiduel sur les chaînes d'approvisionnement
L'effet le plus important du blocage sera probablement l'impact résiduel sur les chaînes mondiales d'approvisionnement. Le canal de Suez est la voie la plus courte et la plus rapide entre l'Asie et l'Europe. Environ 10 % de tout le commerce maritime international passe par ce canal, et chaque journée d'indisponibilité occasionne des pertes de près de 10 milliards USD. Même si le trafic a repris, les retards occasionnés devraient affecter l'approvisionnement de l'Europe en matières premières, produits pétroliers et pièces de fabrication, surtout dans les pays du Sud qui dépendent beaucoup du canal. Les perturbations dues à la pandémie de COVID-19 ont aussi fait monter les prix des marchandises. La légère baisse de capacité sur la route maritime entre l'Asie et l'Europe, les hausses de tarifs de fret, et la congestion portuaire vont probablement se poursuivre dans les prochaines semaines à mesure que le trafic du canal revient à la normale.
Les prix du pétrole sont restés relativement stables durant le blocage ; ils ont légèrement monté en raison de spéculations sur le sauvetage du navire. Cependant, la faible demande due aux mesures de confinement en Europe, les inventaires élevés, et le pipeline SUMED (qui relie le golfe de Suez à la côte méditerranéenne) ont permis d'éviter tout hausse importante.
Le commerce mondial vulnérable aux points d'étranglement
Même si l'Ever Given a entravé le trafic moins d'une semaine, l'incident a rappelé la vulnérabilité du commerce international à différents points d'étranglement navals dans le monde. Plus de 90 % du commerce passe par le transport maritime, et une partie importante doit traverser des voies navigables étroites situées dans des lieux stratégiques. Environ 10 % des marchandises empruntent le canal de Suez et 40 % le détroit de Malacca ; et 20 % du pétrole mondial passe par le détroit d'Ormuz. Les emplacements de ces points d'étranglement donnent la possibilité à des groupes criminels transnationaux, à des organisations gouvernementales ou même à des États de nuire sérieusement au commerce et à l'économie mondiale. Les transporteurs doivent s'assurer d'obtenir les dernières informations à jour et d'appliquer les meilleures pratiques en vigueur, incluant la révision des plans de sécurité, le renforcement des navires, et les rapports aux organismes maritimes compétents afin d'atténuer les risques potentiels pour leurs équipages et leurs actifs lorsqu'ils doivent emprunter ces points d'étranglement maritimes.