Des années d'intolérance envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et queer (LGBTQ) dans la société et le gouvernement hongrois ont engendré un climat d'insécurité croissante pour cette communauté. En Europe de l'Est, et notamment en Hongrie et en Pologne, la prédominance des idéologies religieuses conservatrices a mené à l'adoption de lois discriminatoires envers les personnes LGBTQ, particulièrement en ce qui concerne leurs droits familiaux.
Le niveau des menaces envers les personnes LGBTQ en Hongrie est passé de faible à modéré. Cette dégradation de leur environnement est très probablement dûe à une montée des courants populistes d'extrême-droite en Europe de l'Est, qui reposent généralement sur des idéologies religieuses conservatrices et prétextent une politique de « priorité aux familles » afin de cibler la communauté LGBTQ.
Historiquement, la Hongrie offrait un environnement relativement sécuritaire aux personnes LGBTQ incluant l'accès aux droits légaux, un faible degré de discrimination, et peu de crime haineux. Cependant, les attitudes anti-LGBTQ ont progressivement pris de l'ampleur dans la dernière décennie pour déboucher en 2020 sur un environnement d'insécurité accrue pour la communauté LGBTQ, notamment avec l'adoption de lois discriminatoires et un climat d'intolérance croissante.
Lois visant la communauté LGBTQ
L'encadrement légal des droits LGBTQ est de plus en plus discriminatoire, et est appelé à le devenir encore davantage. Début novembre, le parti majoritaire Fidesz a proposé une loi interdisant l'adoption aux couples de même sexe. Bien que le mariage homosexuel soit illégal en Hongrie, les couples de même sexe pouvaient jusqu'ici adopter un enfant si l'un des partenaires se déclarait parent seul. Le projet de loi stipule que seuls les couples mariés hétérosexuels auront le droit d'adopter, et que les parents seuls devront demander une permission spéciale auprès du Ministère des affaires familiales. Le document cite les droits des enfants ainsi que des principes familiaux dans la lignée des initiatives récentes du gouvernement hongrois pour imposer les croyances chrétiennes à ses citoyens. En plus d'interdire l'adoption aux couples de même sexe, le gouvernement souhaite faire voter un amendement pour que les enfants soient élevés selon les rôles chrétiens traditionnels de l'homme et de la femme. En outre, le gouvernement a procédé à la dissolution de l'Autorité de l'égalité de traitement, qui enquêtait sur les allégations de discrimination liées à des enjeux LGBTQ comme l'identité de genre, la sexualité et l'orientation sexuelle.
Les détracteurs de la législation affirment que le gouvernement exploite les pouvoirs d'urgence qui lui ont été attribués dans le cadre de la crise du coronavirus (COVID-19) pour accélérer l'adoption de mesures anti-LGBTQ. Des opposants politiques ont accusé le gouvernement de prioriser ces sujets de façon inappropriée dans le cadre de la pandémie. Des défenseurs de la communauté LGBTQ soutiennent que le gouvernement se sert des restrictions de mouvements dues à la COVID-19 pour minimiser le risque de manifestations contre ses projets de lois.
Les récentes propositions législatives sont très certainement une conséquence des attitudes anti-LGBTQ qui se répandent dans la classe politique hongroise depuis au moins 2012. En mai 2020, le gouvernement hongrois a interdit la reconnaissance légale des personnes transgenres. L'article 33 définit clairement le genre comme le « sexe biologique selon les caractéristiques sexuelles primaires et les chromosomes » et interdit le changement juridique de sexe. En 2012, la Hongrie a adopté une nouvelle constitution qui définit le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, ce qui exclut explicitement les couples de même sexe.
Gouvernement et acceptation sociale
La généralisation de la rhétorique anti-LGBTQ parmi les politiciens hongrois peut être attribuée à la montée de l'intolérance. Dans un sondage mené en 2019-2020 auprès des personnes LGBTQ par l'Agence européenne pour les droits fondamentaux, 35 % des répondants hongrois ont dit avoir subi du harcèlement dans la dernière année, et 95 % ont répondu « Probablement pas » ou « Absolument pas » quand on leur a demandé si leur pays combattait les attitudes anti-LGBTQ. Dans une version précédente du même sondage, plus de 80 % des personnes LGBTQ en Hongrie citaient les « positions et discours négatifs des politiciens et/ou des partis politiques » comme principales causes des attitudes discriminatoires.
Les positions des responsables politiques hongrois envers les enjeux LGBTQ alimentent les attitudes anti-LGBTQ au niveau national. Le premier ministre hongrois Viktor Orban a soutenu plusieurs lois anti-LGBTQ durant son mandat. En octobre dernier, alors qu'il commentait la controverse entourant un livre pour enfants sur des thèmes LGBTQ, M. Orban a déclaré que « la Hongrie est un pays patient et tolérant à l'égard de l'homosexualité » et a indiqué que les intérêts LGBTQ ne devraient pas impliquer les enfants. Pendant les discussions sur l'interdiction de l'adoption par des couples de même sexe, le vice-premier ministre Zsolt Semjen a justifié le projet de loi comme une défense constitutionnelle contre la « propagande des genres » et pour affaiblir les droits familiaux des personnes LGBTQ. Jozsef Szajer, député du parti Fidesz au Parlement Européen, a démissionné en décembre 2020 après avoir été surpris par les autorités à prendre la fuite d'une fête où des activités homosexuelles étaient présumées. M. Szajer se trouvait alors en infraction de la loi belge sur les regroupements dans le contexte de COVID-19, et la police l'a trouvé en possession de stupéfiants. En août 2019, un membre du parlement a lancé un boycott de Coca-Cola après que la marque ait mis en scène un couple de même sexe dans des annonces publicitaires. Plus tôt dans l'année, le Président du Parlement Laszlo Kover a assimilé l'homosexualité à la pédophilie lors de discussions sur les droits familiaux des personnes LGBTQ.
Bien que le gouvernement reconnaisse actuellement plusieurs droits LGBTQ, la montée de l'intolérance engendre un climat d'insécurité. Par exemple, le gouvernement autorise les événements de la Fierté gaie mais les nouvelles relayées par les médias locaux témoignent du volume croissant des contre-manifestations depuis 2018. Les regroupements LGBTQ reprochent aux forces de l'ordre et au gouvernement l'insuffisance de leur soutien face à une opposition grandissante. L'Agence européenne pour les droits fondamentaux rapporte aussi une montée des attitudes anti-LGBTQ en Hongrie, sur la base des témoignages des personnes LGBTQ qui disent subir davantage de harcèlement et d'agressions ces dernières années.
Critiques
L'intensification des comportements anti-LGBTQ a suscité des critiques de la part de regroupements LGBTQ et de groupes de défense de la personne en Hongrie et ailleurs dans le monde. Hatter Society, un regroupement LGBTQ hongrois, indique un accroissement de la rhétorique homophobique et transphobique parmi les politiciens. De plus, l'Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexuels (ILGA-Europe) a dénoncé ouvertement le gouvernement hongrois et ses projets récents. Dans un éditorial sur l'interdiction de l'adoption par les couples de même sexe, l'organisme Human Rights Watch demande à la Commission Européenne (CE) d'intervenir comme elle l'a fait plus tôt cette année en Pologne. En novembre, la CE annonçait sa stratégie en faveur de l'égalité des personnes LGBTQ, qui désigne les propos homophobes comme crime haineux et les inclut à ce titre à la liste des crimes européens. L'initiative vise à faire des droits LGBTQ une priorité dans les projets législatifs actuels et à venir des États membres.