Les autorités françaises ont déclaré l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie jusqu'au 27 mai au moins, en raison de la violence provoquée par le projet d'élargissement de la liste électorale aux résidents de longue durée. Les groupes indépendantistes se sont fortement opposés à cette mesure, estimant qu'elle empiétait sur les droits des autochtones. Des affrontements mortels et des émeutes généralisées ont commencé le 13 mai après l'approbation de la législation par l'Assemblée nationale. Les violences ont entraîné la fermeture d'entreprises, la suspension des transports aériens, maritimes et terrestres, ainsi que des dégâts matériels et humains. Il est presque certain que d'autres rassemblements demandant le retrait de la loi auront lieu dans les semaines à venir, avec un risque accru d'altercations armées et de criminalité opportuniste. L'extension des mesures de sécurité, telles que les couvre-feux de nuit en vigueur dans le Grand Nouméa, pourrait également entraîner des pénuries de produits de première nécessité et aggraver les perturbations commerciales.
Contexte
Les autochtones kanaks représentent plus de 40 % de la population de la Nouvelle-Calédonie, territoire français semi-autonome. Tout au long de son histoire, la région a connu de nombreuses périodes de troubles violents en opposition à la domination française, les affrontements les plus importants ayant eu lieu dans les années 1980. Un calme relatif persiste depuis la signature de l'accord de Nouméa de 1998, qui garantit une plus grande autonomie politique au territoire et limite les listes électorales aux Kanak autochtones et aux migrants qui y vivaient avant 1998. La loi prévoyait également la tenue de référendums sur l'indépendance qui ont eu lieu en 2018, 2020 et 2021. Bien que les électeurs aient rejeté la sécession lors de ces trois scrutins, des groupes tels que l'Alliance des Kanaks et du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) continuent d'organiser des rassemblements occasionnels en faveur de l'indépendance.
La décision des législateurs français d'approuver l'élargissement du corps électoral aux résidents de longue date de la Nouvelle-Calédonie a déclenché les violentes manifestations en faveur de l'indépendance. De nouvelles vagues d’affrontements sont également probables à partir de la fin du mois de juin, le président français Emmanuel Macron ayant insisté pour que la loi controversée soit adoptée avant le mois de juin, peu importe l'issue des négociations prévues avec les dirigeants kanaks. En outre, de telles modifications formelles des lois électorales provoqueront très certainement d'importantes manifestations de la part des partisans de la souveraineté avant les élections provinciales reportées qui doivent avoir lieu avant le 15 décembre.
Situation actuelle
Les violences risquent de persister malgré les renforcements de sécurité en Nouvelle-Calédonie. Les autorités ont déployé au moins 2 700 agents de sécurité, dont des militaires français, sur l'ensemble du territoire pour surveiller la mer et les aéroports. Néanmoins, l'efficacité des forces de police locales sera probablement perturbée par un manque de ressources, d'autant plus que la violence est exacerbée par le grand nombre d'armes à feu légales mises à la disposition du public.
Les zones à haut risque de violence sont Nouméa, Dumbea et le Mont-Dore. La prolongation des restrictions de circulation, l’augmentation de la violence posant un risque pour la sécurité des résidents et les manifestations pourraient encore aggraver les perturbations commerciales. Les pillages et les émeutes sont susceptibles de se poursuivre pendant les manifestations. Des mesures de sécurité supplémentaires pour prévenir les incidents pourraient affecter des dates importantes, comme lors des entretiens prévus entre les responsables français et les groupes kanaks lors de la visite de Macron sur le territoire le 23 mai pour évaluer la situation. Une escalade des affrontements à la suite de la mort d'un manifestant durant une intervention policière ou des violences visant des politiciens et des symboles de l'administration française, tels que le personnel de sécurité français et le bureau du haut-commissaire de la République, sont également possibles dans les semaines à venir.
Les vols et les incendies criminels perpétrés au cours des récentes émeutes ont touché plus de 30 commerces et usines. Les violences en cours ont également entraîné des suspensions de vols pour une durée indéterminée, des files d'attente dans les stations-service, des blocages sur les axes routiers et des fermetures d'entreprises. Les secteurs à forte consommation d'énergie, tels que l'exploitation minière, ainsi que les industries qui dépendent du transport, pourraient voir une augmentation de leurs coûts d'exploitation et des interruptions dans leurs opérations en raison de la pénurie de carburant.
Perspectives futures
Il est peu probable que la situation générale s'améliore rapidement en raison du manque de ressources et de formation adéquate du personnel de sécurité local, des frictions interethniques de longue date et de l'application généralement médiocre de la loi. Les voyageurs doivent donc surveiller de près les révisions des conseils aux voyageurs à brève échéance et suivre les indications officielles, y compris les recommandations de départ.
Un plan d'urgence complet est nécessaire pour atténuer le risque de l’élargissement potentielle des restrictions de sécurité, telles que les couvre-feux et les restrictions de voyage à l'intérieur du pays, ainsi que les effets en aval, tels que les pénuries réelles ou artificielles de produits essentiels tels que la nourriture, le carburant et les médicaments. Ces pénuries, associées à d'éventuelles interruptions dans les opérations dues à des blocus et/ou à des grèves, pourraient augmenter les frais généraux et retarder les projets, ce qui affecterait la productivité et la rentabilité. En outre, la violence généralisée récurrente due à l'échec des négociations suscite des inquiétudes quant à la confiance à long terme des touristes et des investisseurs dans le territoire.
Auteur(e)(s)
Melissa Chia
Analyste du renseignement I
Melissa Chia is a Singapore-based Intelligence Analyst tasked with monitoring global news, publishing news alerts and analyzing regional geopolitical developments. She joined Crisis24 in 2020, and...
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