La société d'État sud-africaine Transnet fait face à d'importantes perturbations opérationnelles depuis quelques années, qu'il s'agisse du pillage de ses ressources par de hauts dirigeants durant la période de « capture de l'État » sous le président Jacob Zuma (2009-2018) ou de la cyberattaque d'envergure de juillet 2021 durant laquelle plusieurs ports ont dû déclarer des cas de force majeure.
Un obstacle persistant est le vol régulier d'infrastructures ferroviaires dans l'ensemble du pays. Des centaines de kilomètres de fil de cuivre, de rail, et d'autres infrastructures ont été volés, coûtant à l'État des milliards de revenus potentiels. Bien que le gouvernement et Transnet se soient engagés à résoudre le problème, celui-ci va probablement persister dans les années à venir.
Qu'est-ce que Transnet ?
Transnet est une société d'État aux activités diverses, la plus importante étant le transport ferroviaire. Celui-ci est divisé en corridors incluant le Corridor du Nord, le Corridor du Minerai, le Corridor du Nord-Est, le Corridor du Cap, le Corridor du Natal (Corridor des Conteneurs), et le Corridor du Centre. Le Corridor du Nord est le plus important puisqu'il transporte environ 40 % du volume total du réseau. Dans l'ensemble, Transnet opère l'un des plus grands réseaux ferroviaires au monde et le plus grand du continent, avec 31 000 km de voies ferrées, 2696 ponts et 198 tunnels.
La division du transport ferroviaire est en charge du transport d'une grande variété de biens et matériaux, incluant le minerai de fer, le charbon, les produits agricoles, et des marchandises générales destinées à l'exportation ou à la consommation locale ou régionale (dans la Communauté pour le développement de l'Afrique australe ou SADC). En 2021, la division du transport ferroviaire de Transnet a transporté près de 183 millions de tonnes de marchandises, en baisse de 13,66 % sur 2020, et particulièrement dans les marchandises générales (baisse de 21 %).
Les principaux corridors ferroviaires de Transnet
Vols d'infrastructures
En 2021, Transnet a rapporté 600 cas de vols de câble par mois, avec des conséquences pour 1100 services réguliers. La tendance s'est poursuivie en 2022, avec des centaines de kilomètres de câble volés en date du 11 février. Les corridors du Cap et du Natal en ont perdu chacun 60 kilomètres.
Incidents rapportés par Transnet au niveau national du 4 au 11 février 2022 | ||||
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Vols de câble | Câble perdu, en mètres | Autres incidents | Suspects appréhendés | |
Cape Corridor | 23 | 14 208 | 10 | 1 |
Ore Corridor | 0 | 0 | 0 | 0 |
Central Corridor | 37 | 6 298 | 7 | 3 |
Container Corridor | 51 | 16 268,5 | 21 | 10 |
North Corridor | 17 | 5 489 | 16 | 1 |
North/East Corridor | 5 | 839 | 3 | 1 |
Total | 133 | 43 102,5 | 57 | 16 |
L'impact des vols de câble compte parmi plusieurs risques soulignés par Transnet dans son compte-rendu de 2021, mais il demeure le plus pressant. Le coût pour Transnet, et donc pour les contribuables, s'élève à 1 million de ZAR (ou 66 280 USD en date du 11 février) par kilomètre de câble à remplacer. L'incapacité du gouvernement à régler le problème a engendré des risques pour la réputation, et des clients se sont tournés vers d'autres solutions comme le transpor routier. Si la tendance se poursuit, les répercussions sur le réseau routier seront considérables en termes de trafic additionnel et de dommages aux surfaces, et le coût reviendra aux contribuables.
Les retards et interruptions de services dus à des vols de câble ont aussi des effets financiers. Des milliards de rands de revenus potentiels ont été perdus, particulièrement dans les exportations de charbon. Pour les clients qui expédient des produits agricoles, la détérioration demeure une préoccupation. Les marchandises en attente dans les entrepôts ou les trains retardés engendrent des coûts. Ces problèmes ont à leur tour des répercussions sur la confiance des investisseurs, et d'autres solutions de financement doivent être recherchées.
Les coupables
Les forces de sécurité ont arrêté des dizaines de gens en lien avec les vols de câble; cependant, l'identité de la plupart d'entre eux reste inconnue, et ceux qui ont été identifiés incluent autant des criminels que des employés de Transnet. L'envergure du problème nécessite de la coordination, mais celle-ci semble manquer. Le renseignement criminel est extrêmement faible en Afrique du Sud, comme l'ont illustré les émeutes de juillet 2021 selon un rapport du gouvernement. De plus, les communications sont limitées entre les services de sécurité et les tribunaux en ce qui concerne l'identité des voleurs.
Il est probable que le crime organisé, présent dans tous les principaux centres urbains et provinces, soit impliqué sous la forme d'une coordination des vols ou d'une facilitation de la revente du cuivre et autres matériaux d'infrastructures. Il est peu probable que les criminels agissent seuls. Les chiffres de Transnet ont déjà été cités dans des cas de corruption. L'Afrique du Sud a un lourd problème de corruption étatique, et il est possible que les initiatives pour lutter contre le vol soient restreintes par des individus en poste dans les structures de l'État.
Les solutions envisagées
Le président Cyril Ramaphosa a cité Transnet parmi ses priorités pour le redressement de l'économie du pays. La société a été nommée abondamment durant son discours sur l'état de la nation du 10 février. Certaines mesures ont déjà été prises, comme la création d'un Centre d'intervention rapide pour s'occuper des incidents.
Transnet s'est aussi invité ses clients à collaborer à ses mesures de prévention; cetains ont réclamé que leur propre personnel de sécurité surveille le réseau ferroviaire pour empêcher notamment les vols de câble. Des responsables de la société d'État travaillent également avec les Hawks, les services de renseignement, et la police sud-africaine; environ 500 arrestations ont eu lieu en 2021.
Enfin, le gouvernement a indiqué que certains services seraient réservés à des tiers le long du Corridor des Conteneurs (Durban à Gauteng) à compter d'avril 2022. Le but est probablement d'améliorer l'efficacité du réseau avec l'aide du secteur privé.
Conclusion
Transnet va continuer de faire face à des embûches dans la stabilisation de la chaîne d'approvisionnement ferroviaire en 2022 et probablement au-delà. Le haut degré de criminalité en Afrique du Sud ne montre aucun signe d'apaisement; et la lutte contre le crime organisé, et ses facteurs que sont le chômage et la pauvreté de masse, est actuellement limitée par plusieurs obstacles, en particulier la corruption.
Les clients qui ont besoin du transport ferroviaire vont probablement chercher à mettre en œuvre leurs propres mesures de sécurité. Les services de sécurité privés forment une industrie d'envergure en Afrique du Sud, qui compte plus de 500 000 employés. Transnet devrait également se tourner vers le secteur privé pour préserver des points du réseau fortement exposés au vol.
Les entreprises vont continuer de chercher des alternatives, incluant le transport routier. Cependant, comme les émeutes de juillet 2021 l'ont démontré, même les routes présentent des risques de crime et de pillage en période d'agitation sociale. Les entreprises vont continuer de faire appel à des firmes de sécurité et vont devoir prendre en compte des coûts additionnels. Ces coûts finiront par être pris en charge par les consommateurs et les contribuables.
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Auteur(e)(s)
Andre Colling
Directeur des opérations de veille | Service mondial du renseignement
Andre Colling dirige l'équipe des opérations de veille de Crisis24. Titulaire d'une maîtrise en criminologie et certifié en tant que professionnel de la protection ASIS (CPP), il apporte près de vingt...
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