Le 20 février, un Boeing 777 de United Airlines (UA) en provenance de Denver (DEN) et à destination de Honolulu (HNL) a subi une panne sur un moteur peu après le décollage. La nacelle et le capot du moteur se sont décrochés et sont tombés dans une zone résidentielle. L'avion est retourné à DEN où il s'est posé en toute sécurité, et aucun blessé n'a été rapporté ni à bord ni au sol.
Suite à l'incident, toutes les compagnies aériennes opérant des 777 équipés de certains modèles du moteur Pratt & Whitney PW4000 ont immobilisé ces appareils à la demande de Boeing. L'agence fédérale américaine de l'aviation (FAA) a par la suite requis formellement l'immobilisation des appareils pour que Pratt & Whitney puisse inspecter les ventilateurs des moteurs à la recherche d'éventuelles fissures. Les immobilisations ne devraient pas avoir d'impact notable sur les voyages aériens dans le monde car elles ne concernent qu'un nombre relativement limité d'appareils. Bien que certains médias ont exagéré les risques pour la sécurité associés à l'incident du vol d'UA, certains éléments soulèvent des préoccupations. Néanmoins, le 777 demeure un appareil exceptionnellement sûr.
Tous les Boeing 777 sont-ils immobilisés ?
Non. Seule une petite partie de la flotte mondiale de 777 est immobilisée. Selon Boeing, 69 777 équipés du moteur visé sont en service, et 59 autres sont actuellement entreposés. Boeing a construit jusqu'à maintenant plus de 1 600 de ces appareils, la plupart desquels sont encore en service.
Les seules compagnies aériennes qui opèrent des 777 équipés de moteurs PW400 sont UA, le japonais All Nippon Airways (NK), le sud-coréen Asiana (OZ), Japan Airlines (JL), Korean Air (KE) et sa filiale Jin Air (LJ). Tous ces transporteurs ont immobilisé jusqu'à nouvel ordre les avions concernés. Ukraine International Airlines (PS) compte aussi un tel appareil dans sa flotte, mais il est en entreposage en raison de la pandémie de COVID-19.
À l'exception d'Asiana et Jin Air, toutes ces compagnies aériennes opèrent également des 777 munis d'autres moteurs, et leurs passagers pourraient donc continuer de voler sur des 777 malgré l'immobilisation des appareils propulsés par des PW4000.
Comment les passagers vont-ils être affectés par les immobilisations ?
Les immobilisations ne devraient pas avoir d'impact notable sur les passagers. Parmi les six compagnies aériennes qui opèrent des Boeing 777 équipés de PW4000, seule UA en compte plus de 10 en service dans sa flotte. La pandémie de COVID-19 laisse aux compagnies aériennes une grande marge de manœuvre pour accommoder les passagers qui devaient voler sur les appareils immobilisés, soit en remplaçant les appareils ou en réacheminant les passagers sur d'autres vols. Les 777 d'UA équipés de PW400 sont surtout utilisés pour les vols domestiques assez courts pour ce type d'appareil, ce qui facilite leur remplacement par d'autres appareils.
Que s'est-il passé lors de l'incident de Denver ?
Les enquêteurs ont déclaré qu'une des lames du ventilateur à l'avant du moteur s'est brisée, provoquant l'arrêt du moteur. Il leur reste à déterminer ce qui a causé cette défaillance de la lame. Plusieurs causes sont possibles, incluant la fatigue du métal, un entretien inadéquat, ou le choc d'un objet extérieur. La lame semble être restée à l'intérieur du moteur, mais l'impact de la défaillance et les fortes vibrations subséquentes pourraient expliquer le décrochage de la nacelle et du capot.
L'incident du vol UA-328 n'est pas le premier épisode de défaillance d'une lame de ventilateur de PW4000 causant des problèmes sérieux sur un 777. En février 2018, un 777 de UA a connu une défaillance très semblable au-dessus de l'océan Pacifique, qui a elle aussi causé le décrochage du capot. Les enquêteurs avaient alors établi que l'incident était dû à une fissure dans la lame, qui n'avait pas été détectée en raison d'une formation inadéquate des inspecteurs chez Pratt & Whitney. Une défaillance de lame de ventilateur a également entraîné l'arrêt d'un moteur PW4000 sur un 777 de Japan Airlines en décembre 2020, mais les enquêteurs n'ont pas encore publié leur rapport final sur cet incident.
L'incident représente-t-il un grave problème de sécurité ?
Plusieurs médias ont exagéré les risques posés par l'arrêt du moteur sur le vol UA-328, mais l'incident a soulevé des préoccupations légitimes. Bien qu'il est possible de piloter un Boeing 777 avec un seul moteur de façon sécuritaire, le décrochage de parties du moteur pose des risques sérieux à l'appareil et aux personnes qui se trouvent au sol.
Seul, l'arrêt d'un moteur sur un Boeing 777 n'est pas un problème grave de sécurité. Tous les appareils modernes peuvent décoller, voler et atterrir de manière sécuritaire avec un seul moteur en marche, et le 777 est justement certifié pour voler plus de trois heures avec un seul moteur. Les pilotes sont habituellement bien préparés aux pannes de moteur. Ils s'entraînent régulièrement dans des simulateurs à de telles éventualités, incluant des pannes aux pires moments possibles du vol, et leurs exposés avant vol incluent des discussions sur les procédures à suivre en cas d'arrêt des moteurs.
La principale préoccupation liée aux incidents comme celui du vol UA-328 concerne le décrochage de la nacelle et du capot du moteur. Ces parties volumineuses posent un danger grave à la sécurité de l'appareil si elles frappent l'aile, le fuselage ou la queue après s'être décrochées du moteur. Sur le vol UA-328, un morceau du capot semble avoir percé un trou dans le fuselage sous l'appareil, mais il n'a causé aucun dommage sérieux. En avril 2018, le capot du moteur d'un Boeing 737 de Southwest Airlines (WN) s'est décroché et est venu frapper un hublot, causant une décompression explosive qui a tué une passagère. Les parties du moteur posent aussi des risques pour les personnes et les biens au sol sur la trajectoire de l'appareil. L'incident du vol UA-328 et ceux qui ont précédé pourraient inciter les régulateurs à exiger que les capots et nacelles soient attachés plus solidement pour éviter leur décrochage lors de futurs problèmes de moteur.
Est-ce que d'autres appareils pourraient être affectés ?
Un problème de moteur PW4000 survenu le 20 janvier aux Pays-Bas sur un Boeing 747 cargo a mené certains médias à évoquer l'éventuelle immobilisation des Boeing 747 et 767 également équipés de moteurs PW4000. Mais un tel scénario est peu probable. Le design de la lame de ventilateur du PW4000 équipant les Boeing 777 est unique à cette version du moteur, et les autorités ne devraient donc pas immobiliser d'autres modèles d'appareils équipés de moteurs PW4000. Les rapports préliminaires sur l'incident des Pays-Bas mentionnent en outre que le problème est survenu sur une autre partie du moteur que dans l'incident du vol UA-328. Il faudra cependant attendre la fin de l'enquête pour tirer des conclusions. Les autorités ne vont probablement pas non plus immobiliser les Boeing 777 équipés d'autres moteurs, puisque ces derniers ne suscitent pas de préoccupations de sécurité.
Le Boeing 777 est-il sécuritaire ?
Le Boeing 777 est un appareil exceptionnellement sécuritaire, même selon les normes extrêmement élevées de l'industrie. L'appareil est en service depuis plus de 25 ans et n'a connu que trois accidents causant la mort de passagers, ce qui lui confère l'un des plus bas taux d'accidents de toute l'histoire de l'aviation. Aucun de ces accidents mortels n'a été causé par le design ou par des défauts techniques du 777. Crisis24 ne voit aucune raison d'éviter de voler sur les Boeing 777 qui demeurent en service.