Les tensions ne s'apaiseront pas tant que le Hamas et les groupes militants continueront de lancer des roquettes sur les villes d'Israël.
Préparé par Fahim Masoud
Bien que les récentes annonces d'incursions de l'Armée de défense d'Israël (ADI) dans la bande de Gaza se soient avérées erronées, une telle éventualité demeure très plausible dans les jours et semaines à venir si les militants basés à Gaza persistent à lancer des roquettes et des missiles sur les villes d'Israël. L'escalade des hostilités a déjà donné lieu au conflit transfrontalier israëlo-palestinien le plus intense depuis près de dix ans, et une opération au sol de ce type pourrait vite ressembler à l'opération Bordure protectrice de 2014, menée par l'ADI dans Gaza pendant sept semaines.
Les tensions entre l'ADI et les militants de Gaza – principalement le Hamas et le Djihad islamique palestinien (DIP) – se sont fortement aggravées depuis le 10 mai 2021, avec un barrage continu de roquettes et de missiles palestiniens qui a causé des perturbations majeures dans les villes israéliennes, a tué au moins 10 Israéliens et en a blessé des dizaines d'autres.
Pendant ce temps, les frappes aériennes d'Israël ont tué plus de 180 Palestiniens incluant plusieurs dirigeants militants. Après avoir lancé plus de 150 roquettes sur le Sud et le centre d'Israël le 10 mai, le Hamas a proposé un cessez-le-feu qui a été rejeté par le gouvernement israélien, et les deux camps ont continué de s'affronter tant sur le plan rhétorique que militaire.
Le 14 mai 2021, Israël a annoncé que des troupes au sol avaient commencé une attaque dans la bande de Gaza ; le porte-parole de l'ADI, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, a initialement confirmé à un journaliste du Wall Street Journal que des troupes terrestres se trouvaient à l'intérieur de la bande de Gaza. Mais l'ADI s'est rapidement rétractée et précisé que ses troupes n'avaient pas pénétré dans le territoire, en prétextant une erreur de communication interne.
Les responsables militaires israéliens ont ensuite indiqué que l'ADI avait plutôt commencé à utiliser l'artillerie et les chars pour tirer sur des cibles militantes dans la bande de Gaza à partir du territoire israélien, près de la frontière avec Gaza. Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a affirmé que l'armée infligeait des pertes sévères aux forces du Hamas et que l'opération allait continuer aussi longtemps que nécessaire. M. Netanyahou a aussi prévenu que les opérations aériennes et terrestres ne faisaient que commencer. L'escalade du 14 mai est survenue dans la foulée de l'approbation par le cabinet de guerre israélien de plans d'extension de l'opération de bombardement initiale.
Il est très peu probable que les dirigeants israéliens vont mettre fin aux opérations militaires tant que le Hamas et les autres groupes militants ne cessent pas leurs attaques à la roquette. L'ADI va très certainement intensifier ses actions et pourraient même déployer des troupes dans la bande de Gaza afin de neutraliser les capacités des groupes militants à lancer des attaques sur Israël. Le gouvernement israélien paraît déterminé non seulement à infliger une défaite militaire au Hamas à l'issue du conflit actuel, mais à le dissuader d'initier d'autres attaques dans l'avenir.
Bien sûr, la violence entre Israël et les groupes militants de Gaza ne date pas d'hier. L'ADI a régulièrement pris pour cibles le Hamas et d'autres groupes militants lorsque ceux-ci menaçaient la sécurité d'Israël. En juin 2014, l'ADI a lancé l'opération Bordure protectrice pour rétablir la sécurité dans des collectivités du Sud du pays, suite à des centaines d'attaques à la roquette par des militants non liés à Gaza. Cependant, l'épisode actuel de violence a pris le public israélien par surprise à plusieurs points de vue.
D'abord, les groupes militants font preuve d'une capacité accrue à cibler d'importantes villes d'Israël et à causer des perturbations d'envergure dans des infrastructures de premier plan, incluant la fermeture de l'aéroport Ben Gurion (TLV). Mais il est tout aussi important de noter l'agitation sociale hors du commun qui s'est répandue dans les villes israéliennes mixtes, où se côtoient Juifs et Arabes.
Ces violences communautaires sont sans précédent, et pourraient engendrer de graves problèmes sociaux et de sécurité à long terme si elles ne sont pas contrôlées. Depuis le début du conflit le 10 mai, des groupes rivaux de civils des deux communautés ont pris part à des émeutes et à des agressions, déclenché des incendies, lancé des pierres et vandalisé des propriétés.
Origines des tensions récentes entre Israël et les militants de Gaza
La récente escalade de violence fait suite à des manifestations contre la décision d'une cour israélienne d'expulser des dizaines de Palestiniens de leurs logements du quartier Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est. Les activistes palestiniens ont allégué que ces expulsions forcées étaient une initiative des colons israéliens pour sortir les Palestiniens de Jérusalem-Est.
Le cas des familles de Sheikh Jarrah a attiré beaucoup d'attention et donné lieu à des manifestations violentes dans la vieille ville de Jérusalem. L'agitation initialement concentrée dans Sheikh Jarrah s'est étendue le soir du 7 mai quand la police israélienne en tenue anti-émeute a pris d'assaut la mosquée d'Al-Aqsa pendant la prière du soir, blessant 170 Palestiniens. C'est sans compter 550 Palestiniens blessés entre le 8 et le 10 mai pendant des affrontements autour de la mosquée d'Al-Aqsa. Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc, des grenades neutralisantes et d'autres dispositifs anti-émeute pour disperser les manifestants.
Suite à ces violences, le Hamas a émis un ultimatum réclamant le départ des troupes israéliennes du quartier Sheikh Jarrah et du mont du Temple avant 18h le 10 mai. Quand le délai a expiré sans résolution, les militants de Gaza ont déclenché un barrage de plus de 150 roquettes et tirs de mortiers en direction des collectivités du Sud d'Israël, le long de la frontière avec la bande de Gaza, et à Jérusalem.
L'ADI a réagi à l'attaque de roquettes avec des frappes aériennes sur des cibles du Hamas dans la bande de Gaza ; le Ministère de la santé palestinien a allégué que des zones résidentielles avaient été touchés sur son territoire, avec au moins 20 morts et 65 blessés. Le conflit a encore escaladé à mesure que les militants de Gaza lançaient de nouvelles roquettes sur le Sud et le centre d'Israël, incluant Tel Aviv.
Impact sur la continuité des affaires
La détérioration des conditions de sécurité va continuer d'occasionner des problèmes et des risques pour les entreprises actives en Israël et dans la bande de Gaza pendant toute la durée des hostilités. Des perturbations sont à prévoir dans le voyage aérien alors que les autorités interrompent, annulent ou redirigent les vols à l'aéroport Ben Gurion (TLV) en réaction aux lancements de roquettes depuis Gaza vers le Sud et le centre du pays, incluant les alentours de Tel Aviv.
Tôt le 13 mai, face à l'évolution de la situation, les autorités ont commencé à rediriger les vols qui devaient atterrir à TLV vers l'aéroport international Ramon (ETM) près d'Eliat. De nombreux transporteurs ont annulé ou retardé des vols réguliers par crainte de la violence. Bien que les vols d'avions-cargos, de convoyage et de l'aviation générale continuent d'atterrir à TLV pour le moment, de nouvelles attaques de roquettes pourraient également forcer leur interruption, créant ainsi des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement.
Des municipalités du Sud et du centre d'Israël ont limité les activités d'affaires dans les derniers jours en permettant uniquement aux entreprises dotées d'abris anti-bombes de continuer d'opérer. Des tirs sporadiques de missiles ont aussi été rapportés au Nord du pays, en provenance du Liban et de la Syrie.
Bien que les incidents du Nord aient eu un moindre impact que ceux du reste du pays, le déclenchement des sirènes signalant des attaques aériennes n'importe où sur le territoire peut forcer les entreprises à interrompre temporairement leurs opérations sans avertissement, pendant que leurs employés se mettent à l'abri en attendant que le danger passe et que les autorités donnent leur feu vert. Les entreprises devraient aussi enregistrer une hausse de l'absentéisme.
Des affrontements généralisés entre les membres des communautés juive et arabe, surtout dans les agglomérations mixtes, vont continuer de perturber les transports routiers et de menacer la sécurité des actifs et du personnel des entreprises situés dans les zones affectées. Les autorités pourraient aussi imposer des couvre-feu ou d'autres mesures d'urgence pour rétablir l'ordre dans les communautés affectées.
Depuis les premiers troubles du 10 mai, des manifestations et émeutes violentes ont eu lieu dans plusieurs villes comme Tiberias, Haïfa, Jaffa, Bat Yam, Acre et Lod. Des incendies criminels et des actes de vandalisme ont été rapportés sur des synagogues, des mosquées, des commerces et des véhicules, entre autres propriétés. Des émeutiers auraient aussi lancé des bombes incendiaires lors d'affrontements avec les forces de l'ordre. À Lod, les violences communautaires ont pris tant d'ampleur que des officiers de la police des frontières ont été appelés en renfort par le maire. Les autorités ont également déclaré l'état d'urgence et un couvre-feu nocturne dans Lod, afin de calmer l'agitation.
Les hostilités en cours pourraient dégénérer en véritable guerre dans la bande de Gaza
Voilà plusieurs décennies qu'Israël n'a pas connu une série d'événements semblables à la situation dans laquelle le pays est actuellement plongé. À titre de comparaison, en 2014, le Hamas a lancé 4 000 roquettes en 50 jours de conflit ; depuis le 10 mai cette année, il en a lancé près de 3 000.
Les hostilités en cours pourraient facilement dégénérer en véritable guerre dans la bande de Gaza. Le gouvernement égyptien aurait proposé un cessez-le-feu d'un an qui a été refusé par les israéliens. Malgré le blocus aérien, maritime et terrestre de Gaza par Israël et l'Égypte en vigueur depuis 2007, le Hamas et le DIP sont parvenus non seulement à accroître leur arsenal de roquettes et de missiles, mais à en améliorer la sophistication et l'efficacité.
Le Hamas aurait réussi à obtenir des missiles antichars de type Kornet, dont le groupe militant libanais Hezbollah s'est servi avec succès contre les chars d'assaut de l'ADI en 2006. Toute incursion de l'ADI dans la bande de Gaza coûtera cher aux deux camps ; bien que cette option reste sur la table, Israël attendra d'épuiser toutes les autres avant de s'y résoudre.
Le conflit pourrait en outre s'étendre à d'autres fronts. Des combattants et sympathisants du Hezbollah s'amassent à la frontière du Liban depuis le 14 mai ; des manifestants jordaniens sont aussi apparus à la frontière jordanienne pour exprimer leur solidarité avec les Palestiniens. Les tensions sont déjà à leur paroxysme entre la Syrie et Israël. L'Iran, ennemi juré d'Israël et joueur de premier plan au Moyen-Orient, est déjà engagé dans des opérations de rivalité géopolitique avec l'État hébreu.
Depuis le mois de février, Israël et l'Iran ont intensifié leurs hostilités en s'en prenant à plusieurs reprises aux navires commerciaux des uns et des autres dans la mer Rouge, la mer d'Arabie, la mer Méditerranée et le golfe d'Oman. Les attaques par les ennemis d'Israël pourraient se multiplier dans les jours à venir, à mesure que perdure le conflit avec les militants de Gaza.
La fin du cycle de violence actuel entre Israéliens et Palestiniens est vraisemblablement une question de jours ou de semaines. Israël aura le mot de la fin puisqu'il souhaite causer suffisamment de dommages aux groupes militants et démontrer sa fermeté face aux menaces du Hamas et du DIP. Néanmoins, aucun des deux camps n'atteindra totalement ses objectifs.
L'unique but de l'ADI demeure l'élimination complète des attaques de roquettes en provenance de la bande de Gaza. Le Hamas réclame la levée du blocus actuel, ce qui est impossible aux yeux d'Israël. Les tensions actuelles s'apaiseront à terme, mais la menace d'un nouveau conflit restera toujours à l'horizon.
Alertes de renseignement connexes
Israel: Gazan militants continue to launch projectiles toward southern region of Israel, May 28
Israel, PT: Israeli airstrike destroys building housing international media offices in Gaza City May 15 /update 4