Plus de 100 000 réfugiés ont traversé la frontière ukraino-polonaise dans la seule journée du 28 février, suite à une accélération des processus d'entrée par les autorités.
Alors que l'offensive russe se poursuit sur plusieurs fronts en Ukraine, de nombreuses perturbations liées au conflit sont rapportées partout dans le pays. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a indiqué qu'environ 660 000 réfugiés avaient quitté l'Ukraine en date du 1er mars, et s'attend à voir jusqu'à quatre millions de personnes fuir le conflit. La grande majorité des réfugiés sont des femmes, des enfants et des personnes âgées, étant donné que l'Ukraine a interdit aux hommes de 18 à 60 ans de quitter le territoire dans le contexte d'une mobilisation militaire générale.
Kyev a instauré la loi martiale à l'échelle du pays, et des couvre-feu ainsi que d'autres mesures sont en place dans la ville et au niveau régional, là où ils sont requis pour la défense du pays et la sécurité de ses citoyens. Les attaques terrestres et les bombardements aériens des Russes ainsi que les mouvements et restrictions de l'armée ukrainienne entraînent des perturbations dans les transports routiers et ferroviaires dans tout le pays. Les perturbations les plus intenses ont été observées sur les principales routes menant aux frontières occidentales avec la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Moldavie, où s'enfuient les réfugiés ukrainiens. La suspension de l'aviation civile a contribué à son tour aux perturbations dans les transports terrestres.
L'état des postes frontaliers
Les autorités locales signalent de longues files d'attente, des embouteillages et de l'encombrement à plusieurs postes frontaliers de la frontière occidentale de l'Ukraine avec l'Europe. Les postes frontaliers de la Russie, de la Biélorussie, et de l'enclave pro-russe de la Transnistrie en Moldavie sont tous fermés. La frontière ukraino-polonaise continue de recevoir la majeure partie du trafic; les autorités y ont enregistré le passage de plus de 370 000 réfugiés depuis le déclenchement des hostilités. Les temps d'attente sont très longs, et des réfugiés ont rapporté des délais de plus de 60 heures. Cependant, les autorités locales ont apparemment accéléré le processus d'entrée; plus de 100 000 réfugiés sont passés le 28 février. C'est le poste routier et ferroviaire de Medyka-Shehyni qui a accueilli le plus fort achalandage, et il devrait demeurer le poste le plus congestionné dans les jours à venir.
Des files d'attente extrêmement longues ont aussi été rapportées aux postes frontaliers de la Moldavie, où les temps d'attente iraient de 15 à 30 heures. Certains réfugiés ont dit avoir attendu dans leurs véhicules pendant plus de 24 heures, avant d'atteindre les postes frontaliers entre la ville d'Odessa et la Moldavie, dans le Sud-Ouest. La Roumanie a aussi rapporté des files d'attente de plus de 30 heures à sa frontière en date du 1er mars, tandis que les files d'attente à l'entrée de la Slovaquie et de la Hongrie sont nettement plus courtes qu'ailleurs, avec en moyenne 12 heures d'attente selon les postes.
Bien qu'on s'attende à un apaisement de la congestion aux postes frontaliers dans les prochains jours, alors que la première grosse vague de réfugiés est prise en charge et s'estompe (et les pays frontaliers sont en train de s'adapter à la demande), les flots de réfugiés vont sûrement évoluer en fonction des développements du conflit en Ukraine. Les bombardements aériens des Russes et la menace d'offensives terrestres vont probablement entraîner de nouvelles vagues de migration vers les frontières occidentales de l'Ukraine. Bien que la congestion et les perturbations soient actuellement intenses, l'UE a proposé des lois pour faciliter l'entrée des Ukrainiens sur son territoire, ce qui devrait réduire les temps d'attente et les congestions qui en découlent.
Déplacements routiers
De lourds embouteillages ont été rapportés sur les routes en provenance des principales villes, ainsi que sur les principales routes allant vers l'Ouest. Bien que des embouteillages observés autour de Lviv les 24 et 25 février se soient estompés, de grandes files d'attentes sont régulièrement rapportées en partance des autres villes sous l'effet des bombardements aériens ou de l'approche des troupes russes. Les embouteillages sur les grandes artères ont entraîné une hausse de trafic sur les routes secondaires, qui sont souvent beaucoup moins bien entretenues que les grandes artères et les autoroutes. Des unités de défense du territoire et des milices de civils armés ont érigé des barrages sur les routes rurales et secondaires pour empêcher les hommes en âge de servir de tenter de fuir le pays.
En Ukraine, les conditions routières sont souvent en-deçà des normes d'Europe occidentale. Les nids-de-poule sont très fréquents sur les routes de campagne. Dans cette période de l'année, les conditions de conduite peuvent être difficiles en raison du verglas, et il n'est pas rare de voir la neige bloquer l'accès aux routes secondaires pendant plusieurs heures. En outre, l'Ukraine aurait détruit plusieurs ponts pour retarder l'avance des troupes russes.
Déplacements ferroviaires
Le transporteur ferroviaire Ukrzaliznytsia (UZ) a continué d'opérer pendant le conflit, mais de façon intermittente. Les liaisons régulières ont été suspendues pour privilégier les voyages d'évacuation de longue distance pour les résidents de Kyev et des autres villes impactées, en direction de Lviv et d'Odessa. UZ offre également des liaisons internationales régulières en partance de Chop, près de Lviv, à destination de la Pologne et de la Hongrie; elles sont gratuites.
Cependant, UZ n'a pas été en mesure de garantir ses services. Bien qu'au moins deux trains d'évacuation quittent Kyev chaque jour, ils sont parfois sujets à des annulations en raison de la présence des forces russes au Nord, à l'Ouest et au Sud-Ouest de la capitale. On ignore si les Russes vont continuer d'accorder le passage aux trains d'évacuation s'ils complètent leur encerclement de Kyev; les forces russes qui tentent d'encercler Marioupol en date du 1er mars ont indiqué qu'elles laisseraient ouverts les corridors d'évacuation des civils.
Les liaisons avec les zones soumises à d'intenses bombardements ou attaques terrestres russes, comme Kherson et Kharkiv, auraient été annulées. Cependant, les trains de banlieue et les trains d'évacuation continuent de circuler dans les régions en conflit de Poltava, Sumy et Zaporizhzhia regions, et des trains d'évacuation partent des zones du Louhansk et du Donetsk contrôlées par le gouvernement. UZ opère également des services de trains de banlieue dans plusieurs régions de l'Ouest, dont Odessa et Rivne. Cependant, la disponibilité de ces services varie quotidiennement. Dans certains cas, les horaires peuvent changer ou les départs peuvent être annulés sans préavis. De façon prévisible, la demande de places de trains a été élevée, surtout à Kyev et à Lviv, conduisant à des situations tendues dans les trains et sur les quais. Aucun blessé grave n'a été rapporté, mais des accrochages ont éclaté. De grandes foules difficiles à contrôler ont été observées à Lviv en particulier.
Autres préoccupations
Les logements disponibles viennent à manquer dans les zones frontalières des pays voisins, puisqu'ils sont déjà en grande partie occupés par les réfugiés ou des bénévoles. Les autorités locales, le UNHCR et d'autres agences ont bâti quelques logements temporaires et distribuent des fournitures de secours essentielles incluant des couvertures, des sacs de couchage et des articles d'hygiène.
Des rapports font état de ressortissants de pays tiers, notamment d'origine africaine ou asiatique, incluant des étudiants, qui ont des difficultés à entrer en Pologne ou à embarquer dans des trains d'évacuation en partance de Kyev et Lviv. Ces personnes devraient voir leur passage facilité par l'intervention de plusieurs gouvernements et du UNHCR auprès des autorités polonaises.
Les conditions météorologiques se sont détérioriées dans la partie Ouest de l'Ukraine au matin du 1er mars, avec des chutes de neige et des températures glaciales. Étant donnée la période de l'année, il est probable que les conditions demeurent difficiles et présentent des risques additionnels aux demandeurs d'asile. De plus, avec l'approche du printemps, l'Ukraine pourrait recevoir beaucoup de précipitations entrainant des inondations et des perturbations dans les transports routiers.
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Auteur(e)(s)
Tumi Wallace
Analyste du renseignement III
Tumi est analyste principal du renseignement, spécialisé dans l’Europe de l’Est et l’Asie centrale. Il a étudié les sciences politiques et l’histoire, puis le droit à l’université du Cap. Tumi a une...
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