Les manifestations et barrages routiers des camionneurs et de leurs partisans au Canada devraient cesser dans les prochains jours, suite aux efforts des autorités locales, provinciales et fédérales pour les stopper, mais ce type de perturbations pourrait devenir plus fréquent à court terme. L'application de la Loi sur les mesures d'urgence va prendre un peu de temps, ce qui permettra aux manifestants de rester encore quelques jours à Ottawa, mais les autorités espèrent prévenir des manifestations semblables à d'autres endroits.
Bien que la plupart des Canadiens soient opposés aux manifestations, leurs auteurs ont démontré que seuls quelques camions suffisaient à bloquer les principaux axes routiers et à perturber le commerce binational. Les partisans des camionneurs à l'étranger l'ont bien remarqué, et plusieurs ont copié l'initiative dans différents lieux avec des risques accrus pour les gouvernements et les entreprises.
Les conséquences des manifestations au Canada
Les manifestants canadiens ont réussi à causer des perturbations majeures dans plusieurs régions du pays. Des milliers d'entre eux, certains au volant de camions et autres véhicules imposants, ont bloqué des rues du centre-ville d'Ottawa à partir du 28 janvier pour exprimer leur opposition aux exigences de vaccination complète contre la COVID-19 pour les camionneurs qui vont aux États-Unis et reviennent au Canada, et pour réclamer la fin de toutes les restrictions liées à la COVID-19. Certains manifestants ont même réclamé la démission du premier ministre Justin Trudeau.
Bien que de nombreux manifestants aient été dispersés depuis, des centaines restent en place et affectent les entreprises et les résidents du centre-ville. Ils ont aussi forcé des bureaux du gouvernement à fermer. Des manifestations semblables ont eu lieu à d'autres endroits, et ont bloqué des postes frontaliers en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique. Bien que la plupart de ces postes frontaliers aient réouvert depuis, les manifestations ont affecté les chaînes d'approvisionnement transfrontalières, et forcé la fermeture d'usines de fabrication d'automobiles aux États-Unis. On estime que pour chaque jour de fermeture du poste frontalier entre Windsor (Ontario) et Detroit (Michigan), l'économie canadienne a perdu 500 millions CAD, et l'industrie automobile américaine a perdu 50 millions USD.
La réaction des autorités canadiennes
La récente décision des autorités de recourir à des pouvoirs spéciaux va probablement amener la vague actuelle de manifestations à prendre fin. Le 14 février, M. Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d'urgence pour la première foi depuis son adoption en 1988. Les pouvoirs conférés par cette loi seront effectifs durant 30 jours, et le parlement ne les révoquera sans doute pas étant donné le soutien reçu par M. Trudeau au sein du parti libéral au pouvoir ainsi que du parti néo-démocrate. Selon la Loi sur les mesures d'urgence, les autorités pourraient imposer des restrictions de circulation strictes à l'intérieur du pays pour empêcher de nouveaux camionneurs de se joindre aux manifestations, et pour disperser les manifestants si elles trouvent une probabilité raisonnable qu'ils recourent à la violence.
De plus, la Loi sur les mesures d'urgence donne au gouvernement des pouvoirs réglementaires tels que le retrait du soutien financier aux manifestants et le gel de leurs comptes bancaires. L'invocation de ces mesures n'a pas dissuadé la majeure partie des manifestants à Ottawa, qui sont demeurés en place et vont être évacués de force par la police, mais devrait réussir à décourager d'autres manifestants d'occasionner des perturbations à court terme.
Des ramifications internationales
Même si les manifestations prennent fin au Canada, les opposants à l'obligation vaccinale et aux restrictions liées à la COVID-19 de partout dans le monde ont vu ces événements comme un modèle pour causer des perturbations dans leurs propres pays. Les manifestations ont démontré qu'il n'était pas nécessaire de jouir du soutien populaire pour provoquer des blocages dans l'économie et attirer l'attention des autorités nationales; plus de 70 % des Canadiens ont exprimé leur opposition aux manifestants, et environ 90 % des camionneurs canadiens sont vaccinés.
Cependant, à Windsor, environ 75 camions ont suffi à interrompre le commerce binational pendant cinq jours. Des manifestations similaires se sont déjà produites en France, en Belgique et en Nouvelle-Zélande. Un long convoi de camions est aussi planifié aux États-Unis. Bien que peu de détails aient été annoncés, les organisateurs de ce convoi ont indiqué qu'il traverserait le pays en partant de la Californie pour arriver à Washington au début mars.
De telles manifestations pourraient ajouter encore des tensions dans les chaînes d'approvisionnement déjà soumises à rude épreuve, en causant des retards d'expédition dans un éventail de secteurs d'activité. Une intervention trop musclée des autorités canadiennes pour mettre fin aux manifestations en cours risquerait d'entraîner de nouvelles manifestations en solidarité à traver le pays et le monde, avec des effets significatifs sur les chaînes d'approvisionnement.
Perspectives à court terme
Les manifestations des camionneurs ont causé des perturbations majeures à de nombreux endroits au Canada, avec des impacts économiques significatifs depuis leur début à la fin janvier. Bien que les manifestations en cours touchent à leur fin, d'autres pourraient se répéter plus fréquemment au Canada et dans le monde, étant donnée leur efficacité et le peu de participants qu'elles requièrent pour avoir de l'impact. Il est possible que l'agitation répétée de groupes de camionneurs cause d'importantes perturbations économiques et des défis pour les chaînes d'approvisionnement.
Auteur(e)(s)
José De Bastos
Analyste du renseignement IV
José De Bastos est un analyste du renseignement basé aux États-Unis. Il a rejoint Crisis24-acquisition IJet en 2018, après avoir obtenu un master en sciences politiques de l'Université américaine en...
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